Prouesses et maladresses

Par Julia Mouton
Photo DR
Publié le 30 décembre 2022

« Et si l’on faisait un Sex and the City à la française ? », lance Florence Foresti, 45 ans « dont 20 sous anti-dépresseurs »… C’est de là que part Désordres, la série de de l’humoriste, sortie sur Canal+ début octobre 2022.

Désordres, c’est Florence Foresti qui se raconte. Ses amis, ses amours, ses angoisses. C’est sa ronde rythmée de faux pas, une danse qui trébuche quelques fois.

Drôlement humaine

Habillée de ses vrais vêtements, filmée dans un appartement qu’elle a habité, déguisée en elle-même, « Florence Foresti », » Florence », « Flo », »Madame », nous offre les clés de chez elle. Même si l’univers qu’elle nous invite à explorer est qualifié d’autofiction (l’appartement a été quelque peu redécoré, plusieurs anecdotes sont repensées, l’hyperbole les rendant plus drôles et plus singulières), c’est une réalité très humaine qui suit son cours sous nos yeux.

Plusieurs scènes « légères » résonnent, comme ces cauchemars où l’on débarque nu·e à l’école ou en robe de créatrice déchirée aux fesses. Le·a spectateur·ice devra se rappeler « C’est de la fiction, tu n’y es pas ! » pour ne pas rougir. Sentiment intéressant à mettre en œuvre dans le cinéma, quoi de mieux pour se sentir proche du personnage que de partager sa honte ?

Ces petits embarras de grosse célébrité sont accompagnés d’aventures plus banales : les dysfonctionnements du wifi deviennent-ils le fléau universel ? Mais au-delà de la «comédie baguette» ( entendons par là la comédie tournée à Paris, ponctuée des clichés de la vie de riche parisien·ne ), c’est aussi une approche sincère et touchante de la santé mentale.

Émouvant journal intime

Les angoisses n’épargnent personne, pas même ceux·elles « qui ont tout pour être heureux·ses », comme le rappelle Pascal, quand Florence ne parvient pas à s’extirper d’un puits de tristesse. Ces scènes nous émeuvent aux larmes, bien loin d’avoir envie de la secouer à la Tibo InShape et son anaphore à base de « Rien à foutre », suivie de tout symptôme de mal-être psychique, le·a spectateur·ice se sent crouler avec elle sous le poids des médicaments.

Peut-être est-ce le fait que ces épisodes douloureux, qui donnent à la réalisatrice un élan cinématographique remarquable, soient tant ancrés en elle ? De son angoisse personnifiée en un inconnu en costard qui s’invite chez elle, à des scènes d’épuisement intense où son appartement est filmé en plan incliné, nous sommes traîné·es avec elle dans cette écrasante souffrance, boulet de forçat au pied. C’est avec beaucoup de justesse que, sans romantiser les troubles psychologiques, Florence Foresti les aborde de manière créative.

Se prendre les pieds dans le tapis

Cela aurait-il été trop beau pour que l’on échappe aux stéréotypes ? C’est, par exemple, lors d’une sympathique scène de yoga que, la caméra survolant les pensées de chacun·e, que nous hausserons les sourcils. Si cette exploration était intéressante (nous sommes tous·tes ensemble et ailleurs en même temps, perdu·es dans nos songes), il aurait tout de même été souhaitable que ces dames ne soient pas uniquement préoccupées par des vêtements, des tâches domestiques et des histoires de cœur ! Seule Béatrice en réchappe, mais c’est pour mieux penser à son travail, elle qui coche toutes les cases de la « girl boss » sans famille, sans cœur, et prête à tout pour sa carrière…

Cette maladresse ( nous l’appellerons aimablement ainsi ) vient pointer le bout de son nez plusieurs fois au cours de la série : le personnage d’Alexandra Lamy aurait-il été foncièrement moins drôle ( faut-il déjà qu’il le soit ) ou moins odieux s’il ne s’était écarté, qu’un tant soit peu, du stéréotype de la méchante blonde ? Peut-être rétorquerons-nous que c’est précisément pour décrédibiliser ce cliché qu’on le pousse à son paroxysme, et que l’apparition de Baptiste Lecaplain en « papa poule » prouve bien que l’on sort des sentiers battus. Toujours est-il que c’est Béatrice qui finit avec le bébé dans les bras ( chassez la maternité, elle revient au galop ) pendant que Baptiste s’emploie à séduire une belle esseulée.

Si ces travers laissent un goût amer, on termine tout de même en esquissant un sourire reconnaissant, parce que ces « séries-thérapies » ont le mérite de faire valser les ressentis.

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