Le droit de donner son sang

Par Yiling Luo
Illustration : Iris Carlotti
Publié le 28 février 2022
                                                                               

Dès le 16 mars 2022, les hommes homosexuels pourront donner leur sang, sans période d’abstinence. Ce fait souligne la lente avancée de leurs droits en France, notamment dans le domaine médical, qui continue de les stigmatiser.

Dans les années 80, plusieurs personnalités publiques et politiques s’engagent pour la reconnaissance et la protection sociale, mais aussi médicale, des personnes homosexuelles. En 1982, Robert Badinter, alors ministre de la justice, porte le projet de favoriser une meilleure acceptation des homosexuel·les dans la société française. Durant cette décennie, l’Assemblée Nationale dépénalise les relations homosexuelles entre un·e adulte et un·e mineur·e de plus de 15 ans (âge de la majorité sexuelle à l’époque). Les fiches de polices discriminatoires, recensant les homosexuel·les sont détruites. Ce n’est qu’en 1990, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), raye l’homosexualité de la liste des maladies mentales.

Dons et discrimination

Trente ans après les premières mesures entreprises par la France, l’adoption de la loi autorisant le mariage homosexuel, en 2013, entraîne la contestation de beaucoup de Français·es. Près d’une décennie plus tard, un arrêté publié au Journal officiel (13 janvier 2022) supprime toute référence au genre des partenaires sexuel·les, dans la sélection des candidat·es au don. Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la loi bioéthique et rend le don du sang accessible à tous·tes, sur la base des mêmes critères.

Bien que donner son sang soit une pratique relativement démocratisée en France, depuis 1983, les dons provenant d’hommes homosexuels ne furent acceptés qu’en 2016. À la différence des donneur·euses hétérosexuel·les, les hommes homosexuels ne pouvaient donner leur sang qu’après s’être soumis à une période d’abstinence sexuelle, d’abord fixée à un an, avant d’être réduite, en 2020, à quatre mois. Celle-ci devait être déclarée lors de l’entretien préalable.

L’orientation sexuelle n’est plus un critère

Le ministère de la santé a annoncé qu’à compter du 16 mars 2022, « plus aucune référence à l’orientation sexuelle » ne sera demandée dans les questionnaires préalables au don du sang, distribués par l’Établissement Français du Sang (EFS). Le nouveau questionnaire, qui doit être rempli avant chaque don, discernera uniquement « les pratiques individuelles à risque » comme le multi-partenariat ou la consommation de drogue. Toutefois, le donneur devra désormais déclarer s’il prend un traitement pour la prophylaxie, pré ou post-exposition au VIH, auquel cas, le don sera reporté quatre mois plus tard.

Les associations LGBT+ militent depuis de nombreuses années pour un accès égalitaire au don du sang. En 1983, au début de l’épidémie de SIDA, les hommes homosexuels sont directement exclus de cette participation citoyenne. Pour les personnes hétérosexuelles, cette période d’abstinence ne s’appliquait que dans le cas de relations récentes avec plusieurs partenaires.

Du sang qui vient à manquer

La nouvelle coïncide avec un appel aux dons de l’Établissement français du sang (EFS), dès le début de l’année, qui alerte sur des réserves de sang trop basses, du fait d’une chute de la fréquentation des collectes, liée à la crise sanitaire. Ainsi, du 3 au 15 janvier, L’EFS lançait l’opération #MissingType, afin de mettre en lumière les risques liés à la baisse des stocks de produits sanguins. Le Directeur général de la santé, Jérôme Salomon, en évitant de faire référence à ce nouvel enjeu soulevé par la crise sanitaire, qualifie l’enjeu de ce texte d’« évolution sociale majeure », car il supprime toute discrimination ; un principe inscrit dans le droit, depuis la promulgation de la loi bioéthique, en août 2021.

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