2023 : Quand la transphobie s’immisce dans les lois

Par Jade Hanesse
Photo ©Jeanne Leroy
Publié le 6 juillet 2023

Dans ces premiers mois de l’année 2023, les droits des personnes transgenres sont réduits dans certaines parties du monde. La limite entre le social, le biologique et le médical devient alors de plus en plus fine et les individus sont davantage marginalisés sans même pouvoir s’exprimer.

Le début d’année 2023 a été marqué par une succession de lois proposées, voire passées, allant à l’encontre des droits des personnes transgenres. Avec ces lois concernant aussi bien le privé que le social, en passant par le professionnel, les personnes transgenres voient leurs droits diminués et leur identité bafouée.

Les femmes transgenres exclues des compétitions féminines

Commençons par la France où la fédération française d’athlétisme a pris la décision d’interdire la compétition dans les catégories féminines à toute personne ayant vécu une adolescence typiquement masculine (autrement dit, si durant leur puberté, iels ont eu un taux de testostérone élevé) sous prétexte que cela renforcerait leurs capacités physiques. Avant cela, la loi en vigueur stipulait que les coureur·euses de la catégorie féminine devaient simplement avoir un taux de testostérone inférieur à un certain niveau. En effet, la testostérone serait une des principales hormones permettant le développement des muscles. Si une personne a donc pu développer ses muscles sous testostérone, elle aurait, de ce fait, un avantage.

Les dirigeants de cette fédération disent ne pas avoir suffisamment de preuves tangibles prouvant que la prise d’œstrogène diminue cette prise de masse. En attendant, iels souhaitent donc conserver une équité entre les coureuses. Pourtant, il semble que cette question ne se posent que dans la catégorie féminine, lorsqu’une femme transgenre emporte la victoire. Au contraire, dans la catégorie masculine, où, suivant cette logique, les hommes transgenres auraient moins de chances de gagner, une telle loi n’est pas mise en place pour les écarter des courses. Nous sommes alors en droit de se demander si l’équité est bien l’unique raison derrière cette loi.

Un record : 149 lois anti-LGBTQ aux États-Unis

Le bilan est encore bien plus sombre aux États-Unis où les personnes transgenres commencent à être totalement bannies de nombreux états du sud. Aux côtés de la France, le Texas oblige par exemple les personnes à concourir dans les catégories de leur « sexe biologique » lors des rencontres sportives scolaires. Malheureusement, cette loi fait partie d’un ensemble bien plus inquiétant. Les médecins sont par exemple autorisé·es à refuser de soigner une personne sans raison autre que leur propre « conscience » (Bill HB 319[1]) et ne seraient plus autorisé·es à donner des médicaments pour la transition de genre à des enfants – la loi semblant même assimiler ça à de « l’abus d’enfant » (Bill HB 1532). Seules les personnes qui ont déjà entamé un parcours de transition médicale pourront alors la continuer, mais les aides sociales seront drastiquement réduites voire disparaitront complètement.

Selon la Bill 538, l’état de l’Iowa suivra le même chemin en interdisant tout traitement aux personnes de moins de 18 ans et laissant une période de 180 jours aux personnes ayant déjà commencé leur transition pour y mettre un terme. Le Kentucky va encore plus loin en obligeant les détransition des mineur·es l’ayant déjà entamée. En outre, il y aura une obligation de mégenrer ces personnes et d’utiliser leur deadname[2] dans les espaces publics tels que l’école.

Ces lois (qui ne sont pas encore en vigueur à ce jour) sont plus faciles à faire passer maintenant que la chambre des représentants comprend une majorité de Républicain·es. Un grand nombre de ces lois proviennent du « Parents Bill of Rights » dans laquelle se trouvent des dispositions « anti-trans »[3]. Ces lois permettraient alors de faire disparaître les personnes transgenres puisque, pour le commentateur politique du Daily Wire Michael Knowles, « le transgendérisme doit être totalement éradiqué de la vie publique ».

Une once d’espoir reste pour autant présente

Au Portugal, un projet de loi visant à interdire les thérapies de conversion et autorisant l’autodétermination des élèves trans est adopté en première lecture par le parlement. Ceci est une grande avancée pour ce pays majoritairement religieux.

Pendant ce temps en Espagne, une loi est passée qui garantie une plus grande facilité à faire une transition sociale et médicale pour les personnes transgenres : « la loi d’égalité réelle et effective des personnes trans ». Avant cette loi, les personnes transgenres ne pouvaient changer de « sexe » à l’état civil qu’après deux ans de traitement hormonal et avec un avis médical. Aujourd’hui cette demande de changement peut se faire sans aucune condition. Pour Ezekiel, un homme transgenre interviewé pour Euronews[4], « Vous ne franchissez cette étape que si vous êtes totalement sûr de ce que vous voulez faire » et cela répond à « un besoin d’être reconnu tel [que l’on est] ». La Finlande a, selon Amnesty international[5], promulgué une loi similaire en début 2023 qui permet aux adultes transgenres de demander une reconnaissance de leur genre à l’état civil avec uniquement une réflexion obligatoire de trente jours et non plus à la suite d’une stérilisation et d’un diagnostic psychiatrique. Ces deux lois mettent alors en avant le poids social du genre tout en le dépathologisant, séparant de manière claire le sexe corporel et l’identité de genre.


[1] « Mapping attacks on LGBTQ rights in US States legislatures », ACLU, 2023 – URL : Mapping Attacks on LGBTQ Rights in U.S. State Legislatures | American Civil Liberties Union (aclu.org)
[2] Le deadname est le prénom assigné à la naissance et indiqué à l’état civil, mais abandonné par la personne pour choisir un nouveau prénom qui correspond mieux à son identité de genre (définition de www.sos-homophobie.org )
[3] Natroll Sebastien, « Etats-Unis : le grand recul des droits des personnes trans », Slate, 2023 – URL : États-Unis: le grand recul des droits des personnes trans | Slate.fr
[4] Gauriat Valérie, « Droit des personnes transgenres : L’Espagne franchit une nouvelle étape », Euronews, 2023 – URL : Droits des personnes transgenres : l’Espagne franchit une nouvelle étape | Euronews
[5] « Finlande. La nouvelle loi sur la reconnaissance du genre est « une grande avancée pour la protection des droits des personnes transgenres », Amnesty international, 2023 – URL : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/02/finland-new-gender-recognition-law-a-major-step-towards-protecting-trans-rights/

A lire également

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *