La France d’outre-mer, entre assimilation et rejet

Par Marion-Eva Zatchi-Bi
Photo Chloé Labarthe
Publié le 4 avril

La France est-elle présente dans les territoires d’outre-mer ? C’est la question qui se pose aux vues de la situation des territoires communément appelés DOM-TOM. L’éloignement géographique par rapport à la métropole ainsi que les spécificités locales font que ces territoires sont l’objet de politiques de développement économique et sociale. Destinées à réduire les écarts vis-à-vis de la métropole, celles-ci peinent à se mettre en place, impactant les populations locales qui subissent cette situation et ce depuis des années.

La France grâce à ces territoires d’outre-mer est présente aux quatre coins du monde. Ils représentent à la fois des avantages économiques et politiques pour la métropole. Tous ces territoires ne bénéficient pas du même statut juridique. La catégorie des départements d’outre-mer (DOM) et des territoires d’outre-mer (TOM) est mise en place par la constitution de 1946. Ceux-ci sont régis par le droit métropolitain sauf exception déterminée par la loi. Ce n’est qu’en 1958 que les deux appellations sont réunies sous l’expression « DOM-TOM » qui désigne l’ensemble de l’outre-mer français. Depuis les années 1970, de nombreuses révisions sont faites, établissant des statuts particuliers pour plusieurs territoires. Nous pouvons notamment citer la révision constitutionnelle de 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République, qui réaffirme l’appartenance de ces territoires à la République tout en maintenant les particularismes locaux.

Il existe deux catégories principales qui rassemblent l’ensemble des collectivités ultramarines : les départements et les régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion) et les collectivités d’outre-mer (Mayotte, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna). S’ajoutent à cela les deux régimes spéciaux pour la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Au travers de ces diverses révisions, le pouvoir métropolitain cherche à intégrer pleinement les territoires ultramarins dans l’élaboration des politiques nationales. La révision de 2003 substitue la notion de « peuples d’outre-mer » (auxquels il est reconnu le droit à l’autodétermination) à celui de « populations d’outre-mer [reconnues] dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité » (art.72-3-al1 de la Constitution). Or, les différences de statuts juridiques entre les territoires métropolitains et les territoires d’outre-mer sont importantes et maintiennent une inégalité de traitement.

DOM-TOM : des inégalités persistantes

Un rapport du défenseur des droits publié le 20 mars 2023, fait état des inégalités présentes dans les territoires d’outre-mer. Intitulé « Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits » ce rapport remis au ministre des Outre-mer, aux ministères concernés ainsi qu’au parlementaire témoigne d’une volonté des populations ultramarines de faire valoir leurs droits.

Le rapport traite de plusieurs thèmes dont l’accès aux soins ou les conditions de vie. Les besoins spécifiques de ces territoires ne sont pas assurés, à commencer par la distribution d’eau potable. En Guadeloupe, le réseau d’eau potable comporte des infrastructures dégradées, qui empêchent les populations de s’approvisionner en eau potable dans les robinets. S’ajoute à cela la contamination des eaux constante malgré les contrôles sanitaires. Même chose pour la prolifération d’algues sargasses sur les côtes antillaises, qui entraine une dégradation, par corrosion, des appareils électroménagers due aux émanations de gaz (hydrogène sulfuré et ammoniac).

De même, il est difficile pour certaines populations insulaires d’accéder à des infrastructures de soin. Tout comme en métropole, les centres hospitaliers, notamment en Martinique et en Guadeloupe, manquent de médecins. Cette pénurie est aggravée par l’insularité des territoires et cela impacte notamment la prise en charge des personnes vulnérables. De plus, la mobilité des habitant·es est limitée du fait de la faible offre de transport en commun. Le rapport utilise l’exemple de la Guadeloupe ou de la Martinique.

Ces inégalités sont surtout visibles dans le domaine socio-économique. Tout d’abord avec un PIB par habitant·e inférieur à la moyenne nationale de 34 500 euros. Il est de 24 700 euros en Martinique et de 9 700 euros à Mayotte (chiffre INSEE 2022). S’ajoute à cela le coût de la vie avec un écart par rapport aux prix en métropole qui atteint jusqu’à 48% en Guyane (INSEE 2015). Cela contribue à la situation de pauvreté plus forte chez les habitant·es des DOM et de Mayotte. De plus, les perspectives d’emploi restent faibles, nombreux·ses sont les étudiant·es qui quittent les territoires insulaires pour la métropole. Le chômage est par exemple de 24% à la Réunion contre 9% en métropole. Ce chômage touche particulièrement les jeunes de moins de 25 ans sans diplôme.

Ces éléments témoignent des défaillances dans le fonctionnement des services publics dans les territoires d’outre-mer et ce malgré des tentatives de réforme, les populations se sentent encore abandonnées.

« On ne croit plus aux services publics »

Propos recueillis par la délégation du Défenseur des droits

Une volonté de changement

La France a longtemps fondé sa stratégie économique, dans les territoires ultramarins, sur la compensation des handicaps structurels par le biais d’outils d’intervention spécifiques, pour soutenir la croissance et réduire les écarts de développement ou les baisses de charges sociales (vie publique). Cela se concrétise notamment avec la sur-rémunération des fonctionnaires mutés dans les DOM-TOM. La métropole cherche également à ouvrir ces territoires, longtemps régis par le système économique colonial, dit de l’Exclusif au commerce régional. Ce système, issu de la période coloniale, se caractérise par une obligation de commerce exclusif avec la métropole et lui fournissaient matières premières agricoles ou minières tout en servant de débouchés à ses produits industriels.

Lors des états généraux des outre-mer, organisé à la suite des mouvements sociaux de 2009, des mesures ont été proposées pour lutter contre la vie chère ou encore pour un développement économique durable. Beaucoup des mesures restent inappliquées. Même chose en 2012 avec une loi relative à la régularisation économique d’outre-mer et une loi relative à l’actualisation du droit des outre-mer d’octobre 2015. Régulièrement, de nouvelles lois relatives à l’amélioration du niveau de vie des territoires ultramarins sont votées mais les résultats se voient peu, voire pas du tout.

Ce manque d’application, dû au manque de délégation aux pouvoirs régionaux, impacte quotidiennement les populations locales. Ainsi, l’idéal républicain, présent en métropole, n’est pas toujours appliqué dans les territoires d’outre-mer.  

Sources
Rapport du Défenseur des droits, « Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits », 20 mars 2023 : Rapport : Services publics aux antilles : garantir l’accès aux droits, 2023 (defenseurdesdroits.fr)
« Outre-mer : des statuts de plus en plus différenciés », Vie Publique  
« Outre-mer : inégalités et retards de développement », Vie Publique
« L’outre-mer- les vestiges de l’Empire colonial Français Diplometrics by VisualPolitik (FR)

Photo
Bora Bora, 31 décembre 2017, Chloé Labarthe

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