Les jeunes et la politique, histoire d’une rupture

Par Yiling Luo
Illustration : Lorie Flaubert, @lorieandart (Instagram)
Publié le 31 janvier 2022

Les élections présidentielles qui se profilent au printemps prochain mobilisent les efforts des candidat·es de tous bords illustrant de nouvelles stratégies de communication pour s’attirer les faveurs des jeunes électeur·ices.

Ce n’est un secret pour personne, la politique a perdu en intérêt au sein de la population française. Déjà en 2007, une étude réalisée par Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen amenait à la conclusion selon laquelle « Les jeunes ne vont plus voter quand ils ne comprennent pas pourquoi on leur demande de se rendre aux urnes » [1]. Avec pour cadre la cité des Cosmonautes à Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris, cette étude est loin de représenter un cas isolé. De manière générale, l’abstention est influencée par un sentiment de non-représentation politique ; élire un·e nouveau·elle représentant·e ne favorise pas la baisse du chômage. De plus, la population française a tendance à se méfier des politiques « en raison du nombre croissant de scandales et d’affaires financières ». Ainsi, le comportement des partis politiques tendrait à éloigner les politicien·nes des problèmes réels de la société.

Ce vendredi 21 janvier, Claude Guéant a été condamné à un an de prison, dont huit mois ferme, reconnu coupable de favoritisme dans l’affaire des sondages de l’Élysée. Décision contre laquelle l’ancien ministre de l’Intérieur et Secrétaire général de la présidence sous Nicolas Sarkozy a fait appel. Plus tôt dans la semaine, soit lundi 17 janvier 2022, le site d’investigation Mediapart révélait que le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer avait présenté le protocole sanitaire de la rentrée du 2 janvier depuis Ibiza, destination de vacances festive aux Iles Baléares. En parallèle, les professeur·es d’école attendaient les mesures du ministre de l’Éducation pour faire face à la panique du contagieux variant omicron.

Ces tentatives pour séduire l’électorat ne peuvent faire oublier les fractures sociales

Pour réconcilier les jeunes (de 18 à 34 ans) avec la politique, les campagnes de communication tentent de se rapprocher des milieux qu’ils occupent le plus. De facto, des réseaux sociaux comme Youtube, Twitter, Facebook et Twitch relaient des contenus associés aux couleurs d’une personnalité politique, ce qui aurait tendance à ne pas engendrer l’effet escompté [2].

La présentatrice, chroniqueuse et agente de personnalité de télé-réalité Magali Berdah, qui aurait inauguré sa chaîne Youtube récemment, introduisait le candidat polémiste et polémique Eric Zemmour, pour s’adresser directement à ses jeunes, voire très jeunes abonné·es. Un jeune interviewé, nommé Stanislas, relaie dans la même vidéo, l’origine de son engagement aux côtés de celui « qui n’a de problèmes que celui de trouver une salle assez grande pour accueillir ses meetings ». Les commentaires de cette vidéo s’exclament devant « la pertinence de ces jeunes Z ». La technique semble fonctionner.

Des initiatives venant directement de jeunes tendent vers cette réconciliation entre les jeunes et la politique. Ainsi, deux étudiants de 19 et 22 ans ont développé une application sur le modèle de Tinder, pour aider, plus particulièrement les jeunes, à choisir pour quel·le candidat·e voter à la prochaine élection présidentielle. Lancée début janvier de l’année 2022, la plateforme Elyze a déjà rencontré des failles de sécurité et de confidentialité, mais cela ne l’a pas empêché de connaître un million de téléchargements cumulés entre le Playstore et l’Appstore.

Toutefois, ces tentatives pour séduire l’électorat ne peuvent faire oublier les fractures sociales, résultant de politiques délétères et amenant à la précarité de nombreux individus, constituant la population active et jeune du pays. L’OCDE présente un taux de chômage de 18,4 % parmi les jeunes français·es de 15 à 24 ans, selon un rapport de novembre 2021. Une analyse d’Anne Brunner et Louis Maurin pour l’Observatoire des inégalités, datée du 18 janvier 2022, annonçait que les ouvrièr·es, les jeunes et les moins diplômé·es restaient les plus exposé·es au chômage.

Comme le montre la courte durée du succès, que la photo de kebab avait apporté à la campagne de Benoît Hamon en 2017, qui l’érigeait en symbole du rassemblement des Français·es et des Européen·nes, on présume que dans l’histoire de cette rupture, entre les jeunes et la politique, les candidat·es auraient plus à gagner à proposer des mesures concrètes pour favoriser les jeunes et, par conséquent, gagner leur soutien. Traverser la rue pour trouver un emploi a été la méthode encouragée par Macron lors de son quinquennat, quelle sera la nouvelle solution avancée par notre futur·e président·e ?

À suivre…

[1] Braconnier Céline, Dormagen Jean-Yves, La démocratie de l’abstention, Paris, Gallimard, 2007.
[2] Groupe Marmeladz, « Pensez-vous que les hommes politiques ont leur place sur Tik Tok ? » 2021.

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