Justice pour Guillaume : indulgence du PCF ?
Par Gwenn Le Cam
Illustration : Siège du Parti communiste français, d’Oscar Niemeyer, place Colonel Fabien à Paris
Photo par Tony Gonçalves
Publié le 9 mars 2022
En France, selon les chiffres du ministère de la Justice, seulement 1 % des violeurs font l’objet d’une condamnation pénale. La culture du viol présente dans notre société, et l’impunité dont peuvent jouir certaines personnes, nous laissent perplexes, quant à la propension des accusés de viol à être condamnés.
Le dimanche 13 février 2022 a eu lieu, à Paris, une manifestation visant à exiger la justice pour Guillaume et la fin des violences sexistes et sexuelles. Le mouvement #JusticePourGuillaume a pris de l’ampleur au cours de l’année 2021, à cause des nombreux événements révélateurs de la culture du viol, enracinés dans nos partis et institutions politiques.
Le fer de lance du mouvement #MeTooGay
Le 21 janvier 2021, Guillaume, un jeune étudiant de Nanterre, accuse l’élu communiste Maxime Cochard et son compagnon Victor Laby, de l’avoir violé en octobre 2018, alors qu’il avait 18 ans. Cette déclaration a lancé le mouvement #MeTooGay, permettant aux hommes gays de pouvoir dénoncer les viols et les agressions sexuelles, dont ils ont été victimes. Dans son tweet, Guillaume dit la chose suivante : « Je considère qu’ils ont profité de ma jeunesse, de ma naïveté, du fait qu’en raison de problèmes familiaux je n’avais pas vraiment d’endroit où dormir, de leurs responsabilités au sein du PCF pour avoir des relations sexuelles non consenties avec moi ».
J’avais 11 ans, et un corps d’enfant. Il en avait 16 et demi et un corps d’adulte.
Nicolas Martin, producteur de France Culture
Ce mouvement de libération de la parole a eu lieu quelques jours après l’émergence d’un mouvement de même nature, concernant l’inceste. En lisant de nombreux témoignages, nous remarquons qu’il peut exister un lien entre les deux mouvements et que de nombreux hommes révèlent qu’ils ont été abusés par un autre homme de leur famille, cherchant à les faire chanter. Face à ces nombreuses révélations, des personnalités politiques et des associations ont cherché à soutenir les victimes, comme l’a fait Nicolas Martin, producteur de France Culture. Il a dénoncé les viols qu’il a subi durant sa vie. Il témoigne : « J’avais 11 ans, et un corps d’enfant. Il en avait 16 et demi et un corps d’adulte. Ça a commencé par du chantage. Puis par des pénétrations forcées, de l’humiliation, et du dégoût à mesure que mon corps devenait pubère. Ça a duré six ans ». Il poursuit en disant la chose suivante : « Je ne voulais pas tant parler de mon histoire individuelle, même si toutes ces histoires individuelles sont terribles, qu’accompagner la massivité de ce mouvement, le systémisme de ces agressions ».
L’association SOS Homophobie a exprimé son total soutien aux nombreuses victimes, jugeant que la libération de la parole est nécessaire. Sur son site, l’association affirme que le patriarcat est responsable de cela, et que l’homophobie, le sexisme et la culture du viol sont des conséquences de celui-ci. Il faut aussi remarquer que le fait de dénoncer peut aussi mettre en danger les victimes, qui n’avaient pas encore fait leur coming-out à leur famille.
On a beaucoup moins de référentiels au départ et on apprend les relations sur le tard. Il n’existe pas d’éducation sexuelle gay.
Hugues Fischer, militant d’Act-Up Paris
Une enquête de l’INED, publiée en 2020, révèle que les hommes gays sont plus touchés par les violences sexuelles, que les hommes hétérosexuels, et ce de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Selon cette même enquête, un homme gay a trois fois plus de risques de subir des violences sexuelles dans l’espace public, au cours de sa vie, qu’un homme hétérosexuel. Différents sociologues disent que cet écart entre les chiffres peut s’expliquer par l’homophobie. Hugues Fischer, militant d’Act-Up Paris, explique ceci : « On a beaucoup moins de référentiels au départ et on apprend les relations sur le tard. Il n’existe pas d’éducation sexuelle gay ».
Le sociologue Sébastien Chauvin pense que cette idée de violence est liée au patriarcat, à la domination sexuelle, mais également à « une certaine idéologie du désir masculin irrépressible qui doit s’assouvir ». Il rajoute que « cette idéologie du désir masculin irrépressible ne produit pas seulement des effets chez les violeurs, justifiant le forçage, mais elle contribue aussi à instaurer le préjugé d’un consentement sexuel par défaut en tant qu’homme, redoublé par la coappartenance à un milieu gay ».
Le manque des sanctions à l’égard des accusés
Le 9 février 2021, le corps de Guillaume est retrouvé sans vie, dans sa chambre universitaire, à Nanterre. Le parquet décide alors d’ouvrir une enquête et sa famille décide de porter plainte contre X, pour violences volontaires, ayant entraîné la mort sans intention de la donner. L’avocate de la famille de l’étudiant pense que le fait de dénoncer les agissements de Maxime Cochard et Victor Laby, a contribué au suicide de Guillaume. Elle affirme : « Les personnes mises en cause ont répliqué, non pas par la voie judiciaire, comme elles l’ont d’abord prétendu, mais d’abord par la voie médiatique, pour décrédibiliser, discréditer et dénigrer Guillaume, ce qui pourrait constituer une autre violence ». De leur côté, les deux accusés nient les faits et avaient notamment porté plainte contre Guillaume, ce qui est souvent le cas pour les personnes accusées de viol.
Depuis l’annonce de la mort de Guillaume, de nombreuses personnes souhaitent que le PCF prenne position et exclue les deux accusés du parti. Le parti a souhaité que Maxime Cochard, élu au conseil de Paris, se mette en retrait. Cependant, Maxime Cochard et Victor Laby continuent d’être présents sur les réseaux sociaux et s’en prennent notamment aux personnes soutenant le mouvement #JusticePourGuillaume. Le PCF n’a pris aucune réelle décision et les deux membres du parti continuent à occuper des places importantes en son sein. Par exemple, Victor Laby tient le compte Twitter « En Marx ! », un compte soutenant le PCF et qui fait pression sur des personnes rappelant les accusations à l’encontre des deux hommes.
Sur les réseaux sociaux, d’autres personnes témoignent de viols commis par Maxime Cochard, qui aurait profité d’eux dans des moments de faiblesse. Pour certains individus, il profite de son physique et notamment du fait qu’il paraît très jeune alors qu’en réalité, il y a 37 ans.
Interview de Nina Bonhomme, amie proche de Guillaume
Dans le cadre de la rédaction de mon article, j’ai décidé d’interviewer Nina Bonhomme, élue au Conseil d’administration de Paris 1 et amie très proche de Guillaume. Nina a rencontré Guillaume dans le cadre du militantisme lycéen au sein de l’UNL (union nationale lycéenne). C’est lors d’un week-end commun, en 2017, qu’iels se sont rencontré·es. Pour Nina, Guillaume était un « galérien », mais aussi une personne résiliente, dotée d’une certaine sérénité. Guillaume donnait aux autres l’envie de le suivre, notamment dans ses combats et ses engagements. Il était comme un petit frère pour Nina. En effet, au cours de l’année 2019, Nina a souvent hébergé Guillaume, lui donnant un double de ses clés. Elle avait, d’une certaine façon, le sentiment d’être responsable de lui et de veiller sur lui. Iels avaient vraiment une relation de tendresse et de bienveillance. Le meilleur souvenir qu’elle a de lui concerne la participation à sa première manifestation du 1er mai. À la suite de différents événements, Nina s’est retrouvée au sein même de la manifestation, gazée et à côté d’elle, Guillaume cherchait du sérum physiologique pour lui venir en aide.
La jeune femme est l’une des premières au courant de la mort de Guillaume, par l’intermédiaire d’une amie. Elle appelle alors les autres ami·es afin de les informer. Nina me raconte, qu’à l’annonce de sa mort, elle n’a rien ressenti et était d’une certaine manière déconnectée. Sa réaction peut s’expliquer par le fait que son corps aurait tout de suite accepté la nouvelle, ou bien par un mécanisme de protection. Elle a fait bloc et cherché à aider les autres qui apprenaient l’annonce de la mort de Guillaume.
Nina, qui est une sympathisante, à la fois PCF et LFI, n’est adhérente à aucun parti. Cependant, il est, selon elle, nécessaire que le PCF prenne une position claire et précise concernant cette affaire et sorte du flou volontaire qu’il entretient pour l’instant. Si des groupes locaux de ce parti ont pris position, aucune décision n’a été prise à ce sujet au niveau national. D’une certaine manière, le PCF tolère de tels agissements, ce qui peut être contraire à leur ligne politique.
Quant à Laby et Cochard, il faut qu’ils soient exclus du parti et des différentes organisations et institutions auxquelles ils prennent part. Une décision de justice doit être rendue à leur encontre. J’ai abordé avec Nina la présence de Laby et Cochard sur les réseaux sociaux et pour elle, cela est « à vomir ». Ils salissent la mémoire de Guillaume et leurs réponses sont répugnantes. Nina considère qu’ils devraient se faire petits sur les réseaux sociaux et tout simplement attendre la décision de justice. Il existe un véritable sentiment d’impunité à l’égard des deux hommes et pour Nina, Maxime Cochard est un véritable prédateur.