Quand la signature fait débat

Par Marion-Eva Zatchi-Bi
Illustration : Nathéane Le Meur, @nxthexne (Instagram)
Publié le 11 février 2022

Objet de débats récurrents, le système de parrainage, processus décisif de l’élection présidentielle, fait encore parler de lui à l’ouverture des dépôts de signatures. Nécessaire à tout candidat au poste de président de la République française, sa légitimité est remise en question par plusieurs de candidats comme Eric Zemmour, ou encore Jean-Luc Mélenchon.

Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, a tenu, le 25 janvier dernier, une conférence de presse détaillant le calendrier des présidentielles de 2022. À partir du 27 janvier, les 42 000 élu·es habilité·es à présenter des candidat·es pourront envoyer leur lettre de parrainage au Conseil constitutionnel.

500 signatures contre une candidature

Officiellement appelé « présentation », le système de parrainage est fixé par l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962. Pour devenir président de la République, un citoyen doit, en plus de sa majorité et de sa capacité juridique, obtenir le soutien d’au moins 500 élu·es pour concourir. Les signatures, uniques et irrévocables, sont données par des maires, des député·es ou encore des président·es de collectivités territoriales. Elles doivent, pour être valides, provenir de 30 départements différents et ne peuvent dépasser le nombre de 50 dans un même département, en vertu de la clause de représentativité. Le recueil des parrainages est, quant à lui, organisé par le Conseil constitutionnel, qui se porte garant du bon nombre et de l’authenticité de ceux-ci.

À l’origine instauré pour limiter le nombre de candidatures, le système de parrainage a changé, en raison de plusieurs imprévus. En effet, alors que le nombre de signatures requises était fixé à 100 en 1962, le nombre de candidat·es sur la ligne de départ restait élevé. Ils étaient six lors des élections de 1965 et douze en 1974. Pour changer cela, une réforme est adoptée en 1976 (loi du 18 juin 1976), afin d’augmenter le nombre de signatures requises à 500. Malgré son ancienneté, ce processus de désignation des candidat·es fait l’objet de nombreuses critiques.

Un système remis en question

Le système des parrainages fait l’objet de débats récurrents lors d’une élection présidentielle, et celle-ci ne fait pas exception. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, est notamment revenu sur ce débat, en accentuant le côté redondant de la chose (interview Europe 1). On reproche, entre autres, à ce système, son manque d’égalité de traitement entre les candidat·es. En effet, un·e politicien·ne ou une personnalité du monde politique aura plus de chance de récolter des signatures, qu’un·e candidat·e issu·e du monde civil. Ensuite, certain·es le trouvent obsolète, dans la mesure où il ne remplit pas les missions qui lui ont été attribuées initialement, en particulier celle d’empêcher la multiplication des candidatures. Le pic de candidats a, en effet, été atteint en 2002, avec 16 candidat·es au premier tour.

À chaque élection présidentielle, on entend ce débat

Gabriel Attal

Plusieurs candidat·es comme Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen,  ont déjà fait savoir leur désaccord face à la nécessité de récolter 500 signatures pour se présenter. À l’origine de ce désaccord : une difficulté à atteindre le seuil réglementaire. Celle-ci serait due à la loi d’avril 2016, qui rend publique la liste de tous·tes les parrain·nes des candidat·es. Mis en place sous François Hollande, ce système permet aux électeur·ices de savoir quel est le·a candidat·e parrainé·e par leurs élu·es. Pour Eric Zemmour, cette loi expliquerait cette difficulté. Par peur de subir des pressions, les élu·es municipal·aux pourraient être réticent·es à apporter leur soutien.

Même si, selon Bruno Cautrès (chercheur au CNRS et au Cevipof), la fin de l’anonymat n’a pas entraîné une forte baisse des signatures entre 2012 et 2017, le parrainage est devenu une question sensible, entrainant de potentielles dérives. Des pressions peuvent parfois être exercées sur les maires des plus petites communes et, à l’inverse, certain·es élu·es seraient tenté·es de marchander leur soutien. C’est pour cela qu’aujourd’hui, de nombreux·euses maires préfèrent prendre cette décision en concertation avec leur conseil municipal, pour éviter tout désaccord.

Des propositions pour mettre fin à cette sélection

Au fil des élections, de nombreuses propositions ont été faites, pour supprimer la règle des 500 signatures. Entre une suppression totale du processus, l’augmentation du seuil des parrainages, ou encore, la création d’un collège d’élu·es qui voteraient à bulletins secrets ; la piste des parrainages citoyens est la plus envisagée aujourd’hui. Jean-Luc Mélenchon en a fait une mesure de son programme politique. Cette idée, largement inspirée par la commission Jospin de 2012, propose d’instaurer un parrainage par les citoyen·nes, qui choisiraient alors leur candidat·e. Plus récemment, une proposition de loi (octobre 2020) opte plutôt pour une procédure de parrainage citoyen, en plus du parrainage des élu·es.

Dans tous les cas, parrainages citoyens ou pas, il faut un filtre pour l’accès à la présidentielle

Bruno Cautrès, politologue au Cevipof

Intégrer les citoyen·nes dans l’équation, semble une mesure envisagée par nombre de politiques. Toutefois, celle-ci aurait, selon certainn·es constitutionnalistes, comme Didier Maus, des conséquences du point de vue des procédures de vérification des signatures, ou encore, les risques de pressions et d’achat de signature auprès des citoyen·nes.  À cela, le professeur Ferdinand Mélin-Soucramanien invoque, comme argument à l’appui, la numérisation du processus, qui pourrait rendre ce projet possible (France info). Bruno Cautrès, quant à lui, souligne la nécessité de la mise en place, quelle qu’elle soit, d’une procédure de contrôle, pour devenir candidat·e à l’élection présidentielle.

Appréciée ou non, la règle des parrainages nous permettra de savoir quels seront les candidat·es officiel·les de l’élection présidentielle à venir. Les élu·es ont jusqu’au 4 mars 2022, pour adresser leurs parrainages au Conseil constitutionnel.

Sources
Vie publique, « Election présidentielle : les règles pour les parrainages des candidats », 24/01/2022
Thibaud Le Meneec, «Présidentielle 2022 : la règle des 500 parrainages d’élus pour être candidat est-elle ‘obsolète’ ?», Franceinfo, 16/01/2022
Site du Conseil constitutionnel, « Point presse de M.Laurent Fabius : déroulement de l’élection présidentielle et présentation du nouveau site internet ‘Présidentielle 2022’ », 25 janvier 2022
François Vignal, «Comment fonctionne la règle des 500 signatures d’élus», Public Sénat, 30/10/2021

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