Théo et Benedetto

Par Lou Trullard
Photo ©Chloé Labarthe (@liveyourlifeincolors_)
Publié le 4 février 2025
Et si les arbres pouvaient parler ? Et si les amis imaginaires prenaient racines dans la forêt ? Et si il existait un monde auquel les adultes étaient étrang·ères ? Dans sa pièce de théâtre jeunesse, Lou nous transporte dans un cocon de feuilles et de mousse, où se dévoilent de douces vérités.
Cette pièce de théâtre, à destination d’un jeune public, se déroule dans une forêt et plus précisément dans une allée bordée de bouleaux.
PERSONNAGES
Le narrateur
Benedetto
Théo
Le père de Théo

Scène 1
(Le rideau est déjà ouvert et sur l’écran du fond qui est le seul élément de décor, une photo de Théo et Benedetto ensemble est projetée.)
Narrateur (seul sur scène.) — Mesdames et messieurs, permettez-moi de vous conter une histoire extraordinaire. Celle de Théo et Benedetto, deux amis inséparables. Benedetto n’est plus tout à fait un enfant comme les autres car son apparence a changé. Sa peau est devenue lisse et blanche, semblable à l’écorce d’un bouleau, et ses cheveux roux se sont redressés en petites branches pointant vers le ciel. Ses yeux, d’un noisette profond, semblent garder les secrets de la forêt. Ses pieds sont désormais enracinés dans le sol, et ses bras allongés accueillent les oiseaux qui viennent se poser. Il est devenu un véritable refuge pour les créatures de la forêt, en harmonie avec son environnement, toujours calme et attentif aux moindres détails de la vie qui l’entoure. Sa meilleure amie, la chouette effraie, adore se percher sur ses épaules, se fondant dans son écorce pâle.
Malgré cette transformation, Benedetto est resté espiègle et curieux, surtout lorsqu’il joue avec Théo, ce petit garçon qui, seul, peut encore l’entendre. Leur amitié a commencé un jour radieux, lorsque Théo a répondu à l’une de ses devinettes. Depuis, Benedetto savoure chaque instant passé avec lui, car Théo sait encore écouter les murmures de la forêt.
Benedetto incarne la sagesse des arbres tout en conservant la légèreté d’un enfant. Sa transformation n’a rien changé de son esprit : il est toujours curieux, émerveillé par le monde, mais il est désormais aussi l’âme de la forêt.
Théo (entre sur scène.) — Je viens tout juste de fêter mes dix ans ! Cette année, papa m’a gâté : il m’a offert un herbier pour conserver les belles feuilles d’automne, un guide pour reconnaître les animaux par leurs cris, un microscope de poche pour observer les petites bêbêtes de près, et une paire de jumelles puissantes pour scruter celles qui se cachent au loin. Je n’ai jamais invité mes camarades de classe à mon anniversaire : ils se moquent souvent de moi, me trouvent étrange pour un enfant de notre âge, comme si j’avais cinquante ans dans ma tête. Je sais que c’est en partie à cause de mon syndrome d’Asperger, qui rend difficile ma liaison aux autres. Alors, je préfère la solitude et je m’évade dans la nature, où je trouve l’inspiration et la paix.
Mon endroit préféré est la forêt derrière ma maison. Maintenant que je suis un peu plus grand, papa me permet d’y aller seul, sachant que je la connais par coeur. Avec mon matériel d’observation, j’explore les merveilles de la nature. Chaque promenade est pour moi une nouvelle aventure, un moment où je peux être moi-même.
Je garde un secret précieux : j’ai un meilleur ami nommé Benedetto. On partage tous les deux des cheveux roux en bataille, une peau pâle et un corps élancé. Benedetto est un compagnon silencieux et bienveillant, avec qui je peux parler et rire pendant des heures sans jamais me sentir jugé. Pourtant, j’ai remarqué quelque chose d’étrange : chaque fois que je me promène avec mon père, celui-ci me demande à qui je parle dans l’allée des bouleaux. C’est ainsi que j’ai compris que je suis le seul à pouvoir communiquer avec Benedetto.
Narrateur — Vous êtes maintenant prêt·es à écouter leur merveilleuse histoire (Fermeture du rideau.)
Scène 2
(Ouverture du rideau. Le narrateur, Théo, son père et Benedetto sont déjà sur scène. Une allée de bouleaux dans une belle forêt est projetée. La lumière sur scène doit représenter le début de journée.)
Narrateur —Théo et son père se promènent dans la forêt. Ils finissent par arriver à la hauteur de Benedetto.
Théo (à Benedetto.) — Bonjour, mon ami ! As-tu vu comme la tempête de cette nuit a complètement détrempé le sol ? De petits champignons ont poussé tout autour de toi.
Père de Théo (jetant des regards autour de lui, déconcerté.) — Mais enfin, Théo, à qui parles-tu comme ça ?
Théo — Je parle avec mon meilleur copain, Benedetto.
Père de Théo (étonné.) — Qui est Benedetto ? Un petit garçon que tu as rencontré lors de ta dernière balade ?
Théo (gêné, regardant ses pieds.) — Euh… Non… Mais si je te dis la vérité, tu ne vas sûrement pas me croire…
Père de Théo (il se penche à sa hauteur, posant doucement ses mains sur ses épaules.) — Mon chéri, comment peux-tu dire ça ? Je suis ton papa, je peux tout entendre.
Théo — Bon, d’accord… Mais c’est un peu bizarre. La première fois que je suis venu seul dans la forêt, j’ai entendu une petite voix dans l’allée des bouleaux. Je suis allé voir, et là, j’ai vu… un arbre ! Un jeune arbre qui chantait une douce mélodie. Je suis resté silencieux à l’écouter, puis je l’ai félicité. Il m’a remercié et m’a dit qu’il s’appelait Benedetto. Depuis, on est devenus les meilleurs amis du monde !
Père de Théo (après avoir écouté attentivement, il se redresse et prend un ton plus sérieux.) — Théo, tu pourrais me le présenter ? J’aimerais bien l’entendre aussi.
Narrateur — Théo réalise soudain que cette merveilleuse rencontre ne pourra jamais devenir réelle pour les autres. En effet, il a déjà remarqué que personne d’autre n’entend Benedetto.
Théo — Désolé, papa, mais je crois que je suis le seul à pouvoir lui parler. C’est… (marquant un temps de pause comme s’il réfléchissait.) bizarre, je ne sais pas comment l’expliquer.
Père de Théo — Oh, je crois que je comprends, mon bonhomme. C’est peut-être parce qu’il n’existe que dans ton imaginaire florissant…
Narrateur — Théo ne répond pas. Après tout, Benedetto est son seul véritable ami. Il mérite bien l’exclusivité !
(Fermeture du rideau. Seul le père quitte la scène.)

Scène 3
(Les trois personnages sont déjà sur scène lorsque le rideau s’ouvre. D’un côté, le narrateur est seul ; de l’autre, Théo et Benedetto sont ensemble. Le fond projeté est la même que la scène précédente. La lumière est plus vive pour représenter un moment de l’après-midi.)
Narrateur — Dans la forêt enchantée, Théo explore les merveilles qui l’entourent. Il s’approche de son fidèle ami. (Le narrateur quitte discrètement la scène de son côté.)
Théo (avec émerveillement.) — Bonjour Benedetto ! Dis-moi, connais-tu des secrets sur cette magnifique forêt ?
Benedetto — Bonjour mon ami. En effet, chaque feuille, chaque brise murmure une histoire. Si tu veux, je te raconterai celle de cette forêt qui m’a accueilli.
Théo (avec impatience.) — Oh oui, avec grand plaisir !
Benedetto (d’une voix douce, après que Théo se soit adossé à son tronc.) — J’ai toujours vécu au coeur de cette forêt, un lieu aussi fascinant que mystérieux. Ici, chaque recoin cache une histoire, et parfois, elle semble presque magique. La lumière filtre à travers les feuilles, dessinant des ombres dansantes sur le sol. Par moments, les branches s’enchevêtrent comme de longues mains qui caressent le ciel, rendant la forêt tantôt accueillante, tantôt intrigante – un monde où l’on se sent à la fois chez soi et ailleurs. Les saisons transforment la forêt, chacune lui insufflant une nouvelle âme. Au printemps, elle s’éveille en douceur, comme sortant d’un long sommeil. Les bourgeons éclatent, les arbres se gonflent de sève et le chant des oiseaux résonne comme une symphonie qui célèbre la renaissance de la nature. Puis vient l’automne, et la forêt devient une galerie d’art vivante, où chaque arbre se pare de rouge, d’or et d’orange. Les feuilles tourbillonnent dans l’air, se déposant comme des confettis sur le sol humide. Le jour, des visiteurs à deux pattes s’aventurent sur les sentiers. Les arbres, imposants et silencieux, les observent avec bienveillance, tandis que les animaux se camouflent, jouant à cache-cache avec ces humains curieux. Partout, une vie secrète s’anime sous les racines, derrière les buissons – un monde que j’ai appris à connaître et à aimer, même s’il est invisible pour la plupart des yeux. Mais c’est la nuit que la forêt révèle sa véritable essence. Quand le soleil s’efface, elle s’éveille pour une danse nocturne. Les animaux sortent de leurs cachettes, leurs yeux scintillent comme des lanternes dans l’obscurité. Les branches se balancent doucement, et l’air se remplit du bruissement d’ailes et des chants d’oiseaux nocturnes. La forêt tout entière semble danser sous les étoiles, qui semblent descendre pour se joindre à la fête. Pour moi, la forêt est bien plus qu’un simple décor : elle est vivante, elle respire, et elle partage ses secrets avec ceux qui savent écouter. Ici, tout est à sa place – les arbres, les animaux, et même les visiteurs. C’est un monde à part, où règnent respect et harmonie. Ainsi, cette forêt est un trésor, un refuge magique où chaque jour est une nouvelle découverte, et où je me sens profondément chez moi, en symbiose avec tout ce qui m’entoure.
Scène 4
(Le narrateur refait son apparition sur scène. Benedetto et Théo sont toujours présents. La lumière est cette fois-ci celle d’une fin de journée.)
Narrateur — Quand Théo et Benedetto sont ensemble, le temps file à une vitesse folle ! Ils rient, posent mille questions qui n’ont ni queue ni tête et finissent toujours par pousser la chansonnette. (Il repart de la même manière que lors de la scène précédente.)
Théo (avec excitation.) — Benedetto, j’ai une surprise pour toi ! Je t’ai composé une comptine inspirée de mon rêve de cette nuit. Tu vas voir, elle te fera voyager ! Es-tu prêt à l’écouter ?
Benedetto (plein d’entrain.) — Oh oui ! Fais-moi rêver !
Théo — Alors, ouvre grand ton coeur et tes oreilles et laisse-toi porter…
(Théo commence ainsi à chanter.)
Dans un monde sans histoire,
Sans jugement, sans regard,
Il ne resterait rien que nous,
Les meilleurs amis du monde.
Nous serions juste toi et moi,
Près d’ici ou bien là-bas,
Sans bruit, sans règle, sans tracas,
Dès que tu voudras, on partira
Admirer le ciel qui s’illumine,
Observer les nuances de la Terre,
Explorer l’infini des étoiles,
À pied, en train, en l’air.
Là-bas, tu pourras courir,
Là-bas, tu pourras danser,
Tu pourras même plonger
Dans un océan d’étoiles.
Nous serions juste toi et moi,
Près d’ici ou bien là-bas,
Sans bruit, sans règle, sans tracas,
Dès que tu voudras, on partira
Voir les couleurs du jour qui s’enflamment,
Sentir les battements de la Terre,
Voyager à travers l’espace,
Libre, sans frontières.
Ici, vers l’infini,
Ici, au paradis,
On vivrait chaque instant,
Libérés des tourments.
Nous serions juste toi et moi,
Près d’ici ou bien là-bas,
Sans bruit, sans règle, sans tracas,
Dès que tu voudras, on partira.
Benedetto — Quelle merveille, Théo ! Tu sais vraiment faire rêver ! À demain, mon ami, et fais de beaux rêves !
(Le rideau se ferme.)

Scène 5
(L’ouverture du rideau marque le début d’une nouvelle journée. La lumière est donc celle d’une belle matinée. Le fond du décor ne change pas.)
Théo — Avec toi, je peux vraiment être moi-même. Je ne sais pas comment te remercier Benedetto. Tu es un ami précieux. J’aimerais te confier le souvenir le plus marquant de ma vie. Es-tu prêt à l’écouter ?
Benedetto — Toi aussi, tu es mon meilleur ami pour la vie. Et bien sûr que je suis prêt !
Théo (en prenant une longue respiration.) — Je me souviens peu de mes premières années, comme si une grande partie de mon enfance avait été dissimulée derrière un voile de brouillard. Pourtant, quelques moments brillent encore dans ma mémoire, comme des éclats de lumière dans l’obscurité. Je revois, par exemple, cette journée d’automne, un peu grise, où papa avait décidé de m’emmener au parc pour m’apprendre à traverser le petit pont en bois qui enjambe la rivière. J’avais huit ans, et ce pont m’effrayait. Les mouvements de l’eau en dessous et les bruits autour de moi résonnaient si fort que mon coeur battait à toute vitesse. Papa avait mis sa main sur mon épaule pour me rassurer et m’encourager. Il disait que je pouvais le faire, que je devais juste avancer en regardant droit devant moi. Pourtant, tout en moi voulait reculer. Mon esprit s’attachait au moindre détail : le craquement du bois sous mes pieds, le clapotis de l’eau en contrebas, la sensation de froid que je ressentais sur les joues. À chaque pas, je sentais cette peur sourde monter en moi, et malgré tous mes efforts, mes yeux se tournaient vers l’eau. Papa répétait que je devais me concentrer, mais le tourbillon du courant m’absorbait. C’était comme si je n’entendais plus la voix, comme si le monde autour de moi s’effaçait pour ne laisser place qu’à cette eau qui semblait m’appeler. Puis, sans même le vouloir, j’ai reculé. Mon pied a glissé, et avant même de réaliser ce qui m’arrivait, je me suis senti tomber. La dernière chose dont je me souviens, c’est l’éclat froid de l’eau qui m’a enveloppé. C’était glacial, étouffant, et la panique m’a envahi. Je n’arrivais pas à bouger ni à appeler papa. Je sais que c’est lui qui m’a sauvé, qui m’a tiré de la rivière. L’accident m’a conduit à l’hôpital, où je suis resté inconscient plusieurs jours. Les médecins disaient que j’avais eu beaucoup de chance, mais pour moi, tout avait changé. Depuis, je suis encore plus sensible au bruit, aux mouvements imprévisibles, et il m’arrive de me sentir pris au piège à cause de mes sensations qui m’envahissent. Ma façon de percevoir les choses est différente, mon esprit capte chaque détail et ne me laisse jamais de répit. Ce pont, cette eau, cette chute… C’est comme si quelque chose s’était brisé en moi ce
jour-là, renforçant cette fragilité qui a toujours fait partie de moi, mais que peu de gens comprennent.
Benedetto — Mon cher Théo, quelle histoire émouvante ! Tu es un survivant, un garçon avec plein de courage et une telle force intérieure. Tu m’impressionneras toujours ! (Marquant une courte pause.) D’ailleurs, c’est à mon tour de te faire une confidence… Ta maman m’a confiée quelque chose qui se trouve juste derrière le tapis de mousse, ici, à ma droite.
(Théo s’approche avec empressement, soulève délicatement le tapis de mousse et découvre la boîte. Il l’ouvre précautionneusement, déplie la lettre et se prépare à la lire à haute voix.)
Théo (ému, la voix tremblante.) — « Mon cher Théo,
Si tu lis cette lettre, c’est que je ne suis plus à tes côtés pour te prendre dans mes bras et te dire à quel point je t’aime. Chaque jour, la maladie me ronge un peu plus, mais mon amour pour toi reste intact, plus fort que jamais. C’est dans cette lettre que je veux te laisser une part de moi, une part de ce que je suis, pour que tu la trouves dans l’un de tes lieux préférés, cette forêt que tu chéris tant.
Tu es ma force, mon petit explorateur. Depuis toujours, je t’ai vu t’émerveiller devant la beauté des choses simples, marcher seul là où d’autres avaient peur. Tu préfères la solitude parce que cela te permet de voir le monde différemment, avec plus de douceur et de magie. Ne laisse jamais les remarques des autres t’atteindre.
Je me souviens de moi, petite, arpentant la forêt comme toi. Au printemps, j’aimais cueillir les jonquilles qui teintaient les bois de leur jaune éclatant. Mon petit chien trottinait à mes côtés et je m’inventais des comptines en écoutant les oiseaux chanter. Mais il y a un secret que je ne t’ai jamais confié, quelque chose que même papa ne sait pas.
Dans cette même forêt où tu marches aujourd’hui, j’avais moi aussi un ami. Un arbre. Un bouleau blanc, majestueux, qui semblait veiller sur moi, comme Benedetto veille sur toi. Oui, Théo, j’ai toujours su. Quand je t’ai vu parler à cet arbre pour la première fois, j’ai reconnu cette connexion magique que j’ai malheureusement perdue en grandissant. Benedetto m’a accompagnée durant toute mon enfance, comme un gardien silencieux. Il m’a offert des moments d’une douceur que je n’oublierai jamais et je suis heureuse qu’il t’offre cette belle amitié.
Tu es mon fils, mon trésor, mon reflet. Ne cesse jamais de croire en toi, ni dans la magie du monde qui t’entoure. Même si je ne peux plus être là physiquement, je te promets de veiller sur toi, de te protéger, depuis le Ciel. Chaque vent dans les arbres, chaque rayon de soleil qui perce à travers les branches sera un signe de mon amour pour toi.
Continue de rêver, d’aimer et de parler à Benedetto. C’est la preuve que certaines choses, si invisibles soient-elles aux yeux des autres, existent réellement pour ceux qui savent regarder avec le coeur. Je t’embrasse tendrement, mon petit garçon courageux. Je serai avec toi, partout, toujours.
Ta maman qui t’aime pour l’éternité. »
Narrateur (entre sur scène.) — C’est sur cette lecture bouleversante que s’achève cette journée riche en émotions. Théo rentre chez lui, le coeur et l’esprit remplis de souvenirs.
(Fermeture du rideau.)
Scène 6
(La scène est plongée dans une lumière bleutée de fin de journée. Théo et Benedetto sont ensemble. Le fond de scène représente la forêt illuminée par la lueur de la lune.)
Théo (en regardant vers le ciel.) — Benedetto, tu crois que les arbres voient les étoiles comme nous ?
Benedetto (souriant, d’une voix douce.) — Les étoiles ? Elles sont toujours là, même quand personne ne les observe. Pour nous, les arbres, les étoiles vivent en nous : elles font briller nos feuilles sous le soleil, dressent majestueusement nos branches vers les cieux et ancrent nos racines dans le paradis terrestre. C’est sans doute pour cette raison que nous n’avons pas besoin de les voir pour les sentir profondément.
Théo — C’est beau… J’aimerais être comme toi, pouvoir ressentir et voir ce qui est invisible. Chez les humains, c’est différent : tout le monde regarde la même chose, mais chacun y voit quelque chose de différent. Parfois, je me sens comme un arbre parmi eux, seul et immobile.
Benedetto — Théo, tu possèdes cette sensibilité. Tu perçois la forêt différemment car tu entends les murmures de la nature et même les confidences des arbres. Peu d’êtres peuvent prétendre voir cela. Ce n’est pas de la solitude, c’est une vision unique.
Théo (hésitant.) — Mais alors, pourquoi je me sens si différent ? Pourquoi les autres enfants ne veulent-ils pas comprendre ce monde-là ?
Benedetto (réfléchissant.) — Souvent, les humains cherchent ce qu’ils connaissent déjà. Ils oublient qu’il existe les mondes cachés, les univers intérieurs qu’on ne découvre qu’en écoutant avec le coeur. Toi et moi, on est amis parce que tu écoutes avec ton coeur. Et moi, je suis là pour te rappeler que cette différence est une force, pas une faiblesse.
Théo (souriant légèrement.) — Tu sais, Benedetto, chaque fois que je te parle, tout devient plus clair. Comme si, au fond, j’étais fait pour voir le monde un peu autrement.
Benedetto — N’oublie jamais cela, Théo. Peu importe si les autres comprennent ou non. Tant que tu restes fidèle à ta vision et à tes émotions, tu trouveras ta place dans ce monde. Et moi, je serai toujours là, dans le silence de la forêt, pour te rappeler qui tu es.
(Théo se rapproche et pose tendrement sa main contre l’écorce de Benedetto. La lumière s’adoucit puis le rideau se ferme.)
