Halloween : entre les États-Unis et la France
Par Noémie Di Natale
Illustration ©Elise Gerber
Publié le 14 novembre 2023
Depuis ses origines à l’époque des Celtes en Irlande, jusqu’à son importation en Amérique au milieu du 19e siècle, Halloween est aujourd’hui l’une des fêtes les plus importantes des États-Unis. Cette dernière, célébrée tous les 31 octobres, n’a cependant pas réellement réussi à convaincre les Français·es.
Cette fête, précédent la Toussaint, a su (depuis la Grande famine en Irlande) devenir la deuxième fête la plus importante des États-Unis grâce à ses nombreuses traditions. Néanmoins, elle ne satisfait pas la totalité des Français·es à cause de son côté trop « américain » et trop « glauque ».
Halloween : une fête venue des Celtes
Pour comprendre d’où vient Halloween, il faut revenir en Irlande, à l’époque des Celtes qui avaient un calendrier basé sur le cycle solaire. Le 31 octobre correspondait au dernier jour de la Moisson. Le 1er novembre était le premier jour de l’hiver, mais aussi le premier jour d’une nouvelle année. Durant cette nuit, les Celtes fêtaient le Samain, un festival durant lequel iels allumaient de grands feux, dansaient, mangeaient et se racontaient des histoires. Cette nuit-là, la frontière entre les mort·es et les vivant·es devenaient presque inexistante. En l’an 835, le Pape Grégoire IV fixa le jour de la Toussaint au 1er novembre. La nuit du 31 octobre s’appelait alors All Hallow’s evening, pour ensuite devenir All Hallow’s eve, qui est la contraction de The eve of All Hallow’s Day (traduit en français par « la veillée de la Toussaint »). Au fil des années, le nom de cette nuit est devenu celui que l’on connait aujourd’hui : Halloween.
Aujourd’hui, les Celtes et le Samain sont encore encré·es dans la soirée du 31 octobre, grâce aux nombreuses traditions que l’on garde de cette période. Parmi elles, le fait de creuser des citrouilles pour y mettre une bougie vient du conte de Jack-O’-Lantern, une histoire provenant de l’Irlande médiévale. Jack-O’-Lantern, Stingy Jack de son vrai nom, était un personnage mauvais et ivrogne. Le diable voulait son âme, mais Jack lui demandait toujours une plus longue vie. Le diable acceptait sa requête, mais cet homme le lui rendait mal car il l’embêtait constamment. Par exemple, Jack laissait le diable en haut d’un arbre avec une croix gravée dessus, ce qui le bloquait en haut de ce dernier. Le jour où Jack finit par mourir, il n’avait pas sa place au paradis à cause de la mauvaise personne qu’il était, mais le diable lui refusa également l’accès aux Enfers. Cet être décédé fut donc condamné à rester sur Terre en tant qu’esprit. Pour parcourir le chemin long et sombre des portes de l’enfer où il avait été refusé, jusqu’au monde des vivant·es où il devait retourner, le diable accepta de donner à Jack une torche, fabriquée avec un navet et un morceau de charbon placée à l’intérieur.
Les américain·es ont donc repris le concept de cette torche mais en remplaçant le navet par une citrouille et une bougie, la citrouille étant plus simple à creuser. De plus, aux États-Unis on en produit plus que des navets.
La deuxième tradition provenant du Samain est le fait de toquer à la porte des maisons pour obtenir des bonbons : le fameux trick or treat, « des bonbons ou un sort » en français. Les soirs du 31 octobre de l’époque médiévale, on croyait au fait que les esprits pouvaient revenir dans le monde des vivant·es. Il était donc fréquent de laisser de la nourriture devant sa porte pour que les esprits puissent se servir. L’un des mets préparés pour l’occasion était le Soul Cake, un petit gâteau rond aux épices (piment, muscade, cannelle et gingembre). À cette époque est également né le « guising » : les pauvres frappaient aux portes des maisons pour demander de la nourriture, en échange de petits spectacles, comme des chants, des blagues ou des histoires racontées.
Le fait de se déguiser vient également de l’époque médiévale. En effet, le soir du Samain, la frontière entre les mort·es et les vivant·es étant très fine, les vivant·es avaient alors peur que les esprits viennent leur faire du mal. Pour que cela n’arrive pas, iels mettaient des déguisements pour les faire fuir.
La popularité d’Halloween aux États-Unis
C’est au milieu du XIXème siècle que ces traditions sont arrivées jusqu’au continent américain. En effet, de 1845 à 1852, l’Irlande fut frappée par la Grande Famine, ce qui amena une vague d’immigration des irlandais·es vers les États-Unis. Ils et elles vinrent avec leurs traditions et rites, dont Halloween. Cette fête est devenue particulièrement populaire dans ce pays avec la Guerre de Sécession (1861-1865) puisque cette guerre est encore, à ce jour, la plus meurtrière des États-Unis. Les américain·es croyaient au fait que les esprits de ces morts étaient susceptibles de revenir. Iels ont donc récupéré les traditions des Celtes pour créer leur propre Halloween. Aujourd’hui, cette fête est toujours aussi populaire aux États-Unis et est transmise de génération en génération. Cependant, elle a connu à ses débuts quelques rebondissements.
Dans les années 1920, le trick or treat et les déguisements étaient déjà populaires, mais parfois utilisés à mauvaise escient. En effet, certain·es jeunes américain·es profitaient d’Halloween pour détériorer les façades des maisons en y lançant des œufs ou s’amusaient à faire peur aux animaux, jusqu’à ce que cela devienne du vandalisme. Pour éviter que ces débordements continuent, les villes ont voulu faire d’Halloween une fête moins violente en créant des événements joyeux pour les enfants. C’est ainsi que Disney créa en 1952 le court-métrage Trick or treat et que des écoles se mirent à organiser des concours de déguisements. De plus, en 1920, le Minnesota créa la première parade d’Halloween dans la ville d’Anoka ; aujourd’hui la parade du 31 octobre la plus connue est celle de New York City, la New York’s Village Halloween Parade, créée en 1973. En Amérique, le choix des déguisements est vraiment pris au sérieux et bien réfléchi, autant pour les enfants que pour les adultes. Le but d’un déguisement n’est pas forcément de faire peur, il ne faut pas obligatoirement se déguiser en fantôme ou en clown tueur, le plus important est d’être original·e, créatif·ve et de se démarquer des autres. Nous pouvons donc voir dans les rues américaines des personnes dans la peau de Donald Trump, Spider-Man, Marge Simpson, de cowboy ou cowgirl, etc.
Pour trouver le bon déguisement et pour bien décorer leur maison, les américain·es commencent toutes ces préparations dès le début du mois d’octobre. Iels vont par exemple chercher des citrouilles dans des pumpkin patch (des champs de citrouilles). Pour les diverses décorations et costumes, ceux où celles-ci se rendent également dans les magasins Walmart (les supermarchés les plus grands et connus d’Amérique), où un tiers de leur surface de vente est dédié à Halloween.
Le soir du 31 octobre est une fête très communautaire et transmise de génération en génération. Les enfants et les parents prennent plaisir à se déguiser et différentes activités sont destinées à tous les âges. Ainsi, les parents accompagnent leurs enfants pour la chasse aux bonbons. De plus, les maisons hantées sont une tradition et depuis les années 1970, les films d’horreurs sont là pour donner la chair de poule aux plus grands. Des fêtes entre ami·es ou en famille sont également organisées chez les un·es et les autres pour ceux·lles préférant boire plutôt que de récolter des bonbons.
Cette fête est tellement populaire dans ce pays qu’il y a plus de personnes la célébrant que l’inverse. Les américain·es décidant de ne pas participer aux festivités ont donc pris l’habitude, pour ne pas que l’on toque à leur porte lors du trick or treat, d’éteindre les lumières de chez eux ou de mettre un papier sur leur porte d’entrée informant que les personnes de ce foyer ne distribuent pas de friandises.
Une fête moins populaire en France
Si Halloween a su passer de l’Irlande aux États-Unis avec succès, l’effet n’a pas été le même en France. Bien que certain·es Français·es prennent tous les ans cette fête à cœur, elle ne fait pas l’unanimité. Pourtant cela n’a pas toujours été le cas. En effet, Halloween est arrivée en France depuis les États-Unis dans les années 1990. De 1997 à 2003, cette fête était alors populaire et la plupart des Français·es prenaient plaisir à célébrer cette soirée. Cependant, un déclin a eu lieu à partir de 2003. En effet, à cette période, a éclaté la guerre d’Irak où la France a refusé de rejoindre les États-Unis au combat. Cela a créé un froid entre les États-Unis et la France et globalement, tout ce qui se rapporte au monde américain, dont Halloween, a été mis de côté.
Le manque de popularité d’Halloween s’explique ainsi par plusieurs raisons.
Tout d’abord, en France, cette fête est vue comme étant trop américaine car nous avons du mal avec les fêtes importées d’autres pays. Comme celle-ci est également arrivée assez tardivement chez nous, nous n’en connaissons pas vraiment les origines ; elle n’a donc pas cet aspect intergénérationnel.
En plus de notre vision trop américaine de cet événement, nous trouvons également que cette fête est trop commerciale car nous pensons trop au fait de devoir acheter des bonbons, des décorations et des déguisements.
Puis, Halloween est perçu comme étant un événement trop communautaire, ce qui explique pourtant son succès aux États-Unis. Nous avons par exemple une mauvaise appréciation du fait de sonner chez les autres pour demander à manger, car ce n’est pas dans notre culture.
La différence la plus marquante est que dans l’hexagone, Halloween a pris un tournant effrayant. Nous associons trop le 31 octobre à l’horreur dont le principal but est plus de faire peur que de s’amuser. Les déguisements sont souvent les mêmes et liés à l’horreur (fantôme, vampire, costume ensanglanté, clown tueur, etc), alors qu’en Amérique, tous les costumes sont les bienvenues. De ce fait, beaucoup de Français·es ne fêtent pas Halloween à cause de l’aspect trop glauque qui en découle et pas assez enfantin. Ceci est contradictoire par rapport à ce qui se passe ce soir-là de l’autre côté de l’Atlantique, où l’équilibre a été trouvé entre effrayant, bon enfant et intergénérationnel.
Sources
*YouTube, Arthur Genre « Les traditions d’Halloween aux USA – Captain America #10 », 10 octobre 2017 https://youtu.be/rjAzHt2OOXc?si=wiumo5lhXXU8a6_C
*YouTube, Adam Bros « Pourquoi Halloween bide en France », 25 octobre 2020 https://youtu.be/6NtYYBOHkrI?si=uEPn-7CLOE03Bn2a
*YouTube, ISPA France « Comment j’ai passé Halloween aux USA ? » 8 novembre 2019 https://youtu.be/TfBDYkVfChk?si=w_K14RIavOytcNfA
*Papa Blogueur, « Halloween en France, pourquoi est-ce si différent des Etats-Unis ? », 1 septembre 2020 https://www.papa-blogueur.fr/halloween-en-france-pourquoi-est-ce-si-different-des-etats-unis
*YouTube, Easy Languages, « Halloween in France », 3 novembre 2018 https://youtu.be/D6Vfnb63wKY?si=q-dUHglE407WOV5T
*Wikipédia, « Halloween » https://fr.wikipedia.org/wiki/Halloween
*Spotify, Culture G « Jack O’Lantern : la légende de la citrouille d’Halloween », 25 octobre 2023 https://open.spotify.com/episode/1lXMAdHTAsqyZOQufWzRY6?si=S7NX9rk8Rp2E1rnFObUVvw