Le sport à l’épreuve de l’histoire
Par Brice Blanpain
Photos DR
Publié le 21 février 2022
Personnages souvent délaissés par l’histoire, les sportif·ves n’en sont pourtant pas moins absent·es, et leur rôle au sein de la société n’est pas négligeable. Il s’agit, à travers ces quelques portraits, de visibiliser celui qu’ont pu jouer un boxeur, une fleurettiste et une footballeuse, au cours de la Seconde Guerre mondiale.
En tant qu’étudiant en histoire, je me suis rendu compte que cette discipline pouvait prendre une multitude de formes ; que ce soit de l’histoire militaire, urbaine ou même environnementale. Si ici, j’ai fait le choix de dresser trois portraits simples de sportif·ves durant la Seconde Guerre mondiale, c’est avant tout pour offrir un angle d’approche moins traditionnel de cette période, mainte fois présentée sous divers angles. Peut-être les portraits de ces personnes, ayant chacune joué un rôle différent, vous apporteront-ils un nouveau regard sur cette époque.
Victor Young Perez
Le boxeur Victor Young, de son vrai nom Messaoud Hai Victor Perez, est né le 20 mars 1911 à Tunis et mort le 22 janvier 1945 à Gliwice en Pologne. À 16 ans il remporte son premier combat qui lance sa carrière. Dès lors, il embarque clandestinement pour la France.
Au début de l’année 1930, alors que le titre de champion de France poids mouche est vacant, la Fédération française de boxe décide de l’attribuer au vainqueur d’un combat, qui oppose les meilleurs de la catégorie. Victor Young perd au quatrième round par KO, lors de son match contre le Marseillais Kid Oliva, disputé à Limoges, le 8 février 1930.
Pourtant il continue, et devient, en 1931, champion de France des poids mouches, face au boxer Valentin Angelmann. Il poursuit son ascension, notamment grâce au promoteur Jeff Dickson. Celui-ci lui organise un combat face à l’américain Frankie Genaro. Ainsi, le 26 octobre 1931 au Vel’ d’Hiv, devant 15 000 spectateur·ices, il devient champion du monde à 20 ans. Il reste encore aujourd’hui le plus jeune champion du monde français.
Les années qui suivent sont moins glorieuses. Après sa défaite face au boxer Al Brown et sa montée en catégorie, il ne remporte que très peu de combats. Cet événement le rend fragile psychologiquement. Il refuse de quitter la France pendant la guerre, pour sa Tunisie natale, et se fait arrêter parce que juif par la Gestapo en octobre 1943.
Après son transfert dans le camp de concentration d’Auschwitz, il est traité différemment des autres détenus ; par exemple, il a le droit à plus de nourriture. Les SS le forcent alors à affronter plusieurs gardes du camp dans des matchs de boxe. Certains témoins parlent de 140 combats disputés, même si aucune trace matérielle ne permet de l’affirmer. Il est finalement exécuté en janvier 1954 par un SS, qu’il aurait battu lors d’un combat de boxe forcé dans le camp.
Si cet exemple nous montre un sportif victime de la Shoah, certain·es sportif·ves vont à l’inverse combattre sous les couleurs de l’Allemagne nazie. C’est le cas de la fleurettiste Helene Mayer.
Helene Mayer
Helene Mayer est née le 20 décembre 1910. À 18 ans elle remporte la médaille d’or aux Jeux d’Amsterdam en 1928. Elle se classe première au championnat d’Europe féminin de fleuret. Dans son édition du 17 avril 1929, Le Figaro titre : « Imbattable ».
Après avoir fréquenté, pendant un temps, les bancs de la Sorbonne, elle part en 1931 pour le Scrips College de Claremon aux États-Unis. En 1932, du fait de la montée de l’antisémitisme en Allemagne, elle est exclue du club de sa ville natale. Elle continue tout de même l’escrime aux États-Unis et, en 1934, elle y remporte son premier tournoi de fleuret.
Arrive l’année 1936, où Berlin accueille les Jeux Olympiques. La capitale décide de demander à cette championne juive, d’origine allemande, de porter les couleurs de l’Allemagne lors de ces jeux, alors même que le comité avait, un an auparavant, écarté son nom de l’escrime nationale. Non sans surprise pour la population, elle accepte de participer, et devient alors la seule sportive juive de l’équipe olympique allemande, des jeux de 1936. Elle remporte durant ces jeux une médaille d’argent, en perdant face à Ilona Elek-Schachere, qui sera aussi championne olympique en 1948. Cette médaille d’argent est accompagnée, lors de la remise des médailles, d’un salut nazi.
Elle continue l’escrime et devient championne du monde en 1936 à Paris. Durant les années 1934 à 1946 elle remporte 8 fois le championnat américain. En 1947 elle enseigne l’allemand au City Collège de San Francisco, avant de revenir à Munich, en 1952, où elle finira sa vie.
Helene Mayer est donc un cas atypique de sportive juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Si celle-ci a participé au régime nazi, par le biais du sport ; certain·es sportif·ves vont eux·lles aussi participer pleinement aux politiques de répression. Le cas de Violette Morris est alors très intéressant.
Violette Morris
Violette Morris est née le 18 avril 1893 à Paris. En 1917, elle commence le lancer de poids. En 1926, elle affirme n’avoir subi qu’une défaite : contre une Américaine qui bat son lancer de trente mètres en 1922. En 1918, elle commence le football et participe au premier match officiel féminin de France. Elle refuse de porter le béret réglementaire et joue tête nue, comme les hommes, affichant sa volonté de casser les codes.
Elle poursuit son ascension dans le sport aux Jeux mondiaux féminins à Monte-Carlo (1921), où elle remporte le poids et le javelot, en battant le record européen sur les deux disciplines. Elle continue ces réussites l’année suivante, remportant l’or au poids et aux disques. Elle remporte, quelques années plus tard, les championnats de France d’athlétisme de 1925, et gagne également la course du Bol d’Or en 1927, battant 18 hommes et parcourant 1 700 km en une journée, en voiturette.
Mais revenons alors à nos jeux olympiques de 1936, lors desquels elle se serait rapprochée de plusieurs membres de l’armée allemande, d’après l’écrivain Raymond Ruffin. Durant sur la Seconde Guerre mondiale, elle est chargée, par Helmut Knochen, chef du renseignement SS à Paris, de recruter des espions, de contrer les réseaux anglais du service secret SOE (la Direction des opérations spéciales) et d’infiltrer les réseaux de résistance à l’Ouest. En avril 1944, le télégramme de Londres tombe aux mains des Forces françaises de l’intérieur : « Abattre immédiatement et par tous moyens espionne Violette Morris. Fin. » Le 26 avril 1944, elle est abattue dans sa voiture par des maquisard, en Normandie.
Sources :
Violette Morris : Emission de France Culture, C’est du sport ! épisode 3 : le cas de Violette Morris, 19 juillet 2017, https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/cest-du-sport-38-le-cas-violette-morris
Claire Lemesle, Violette Morris, parcours d’une scandaleuse, BNF gallica https://gallica.bnf.fr/blog/02122015/violette-morris-parcours-dune-scandaleuse?mode=desktop
Victor Young : Jean-Philippe Lustyk, Le Grand Livre de la Boxe, Marabout, 30 octobre 2019, 256 pages.
Helene Mayer : Romain Métairie, Helene mayer, une fleurettiste juive allemande aux Jeux nazis de 1936, Libération https://www.liberation.fr/sports/2020/06/21/helene-mayer-une-fleurettiste-juive-allemande-aux-jeux-nazis-de-1936_1791517/
très bon article, pertinent et agréable au premier regard, je vous trouve prometteur et on espère que vous serez le Killian Mbappe de l’histoire, bien à vous