House of the Rising Death

Par Julia Mouton
Illustration Claire Boyer
Publié le vendredi 3 mars 2023

Once Upon A Time, there were three mischievous bullies, who ruled the world for years and years. It would not be true to pretend that they were the only oppressors on Earth, but in our story, it is fair to say that they were the protagonists.

À travers son pamphlet, « House of the Rising Death » (« La mort au pénitencier ») l’autrice nous livre une réflexion sur la cruauté de la prison, prônant son abolition. D’autant plus saisissant dans la langue de Shakespeare, le texte est à retrouver plus bas en français.

Once Upon A Time, there were three mischievous bullies.

Little did they know that humans are not beings to be held captive, or at least they are not long under the same yoke, used to sweep away the old one and run under a new one. Over time, our three devils have also been sidelined in our societies, to the dismay of their devotee supporters.
But never they perished, never they gave up their sinister purpose, never they lost their power. Instead, my dears, they hid themselves in the darkest corners of our world, going on governing, without us even noticing it.

Now, let me reveal to you that these three demons are none other than racism, violence, and slavery, and that the place where they have taken refuge, and where they still rest peacefully, is jails.

      Let’s test our morals: allowing racist slurs to be used ?   Never ever !
Allowing one man to hit another who is already on the ground ?    Never ever !
Allowing authorities to rape ?       Never ever !
Filming a person day and night, whether naked or clothed ?     Never ever !

Well, beyond the unmentionable hypocrisy of our great principles, in the prison system, we don’t even pretend trying to apply them !

      How would you feel if you were to be held in captivity ? Treated worse than an animal in a zoo, what if you had to sleep on a wet floor ?  Isolated for weeks, without even seeing the merest beam of light ?
Imagine exhausting yourself at work, without ever being paid.
Being assaulted and humiliated by the ones responsible for your safety.
Everything, all at once, and much more. Forget about the slightest bit of comfort, it is skillfully taken away from you.

     You could argue that they deserved it, that prison is not meant to be pleasant, and that you are not behind bars if you are a good Samaritan. Inhumane behaviour, inhumane response !

The truth is, nobody can stand up and pretend that it is only the most infamous rapists and the bloodiest murderers who are incarcerated.
How many women are sentenced for being sex workers ?
How many men are sent to prison for selling the drugs we use ?
Much more than Jeffrey Dahmer’s clones.
If your rapist is a rich white man, you can be sure that many black people will die on the floor of their cell before he sets a foot in it.

      Hold your breath, because you haven’t heard the worst yet. Not only do we let oppression live rent free in our “liberal” society and feed itself on our fellows, moreover some of us take advantage of this new form of exploitation.

The prison factory selects its workers and it has not forgotten any of the lessons her old father Slavery taught her.

Surely, “ Neither slavery nor involuntary servitude, shall exist in the United States”. 
But don’t be dazzled by the golden doors of the 13th Amendment of the US Constitution.
Behind them, lies down the snake with deadly venom, the blatant unnoticed, the crafty exception: “except as punishment for crime whereof the party shall have been duly convicted”.

The capitalist windmill always grinds the same grain, and it is racialized communities that the cloud of incarceration likes to deprive of the sun, hovering over their heads like a suffocating threat.

Never have we seen such a successful economic gamble.
Prison as rehabilitation is nothing more than a fad of our ancestors. Nowadays, companies figured out how to hydrate themselves by the blood and sweat of the prisoner. Nowadays, their health depends on mass incarceration.

     Angela Davis wrote that prison is seen as a “constitutive and immutable element of our societies”[1].
Today, we claim with her that it is obsolete.
Since the day we were born, we have learned that the villains were punished.
Today, we dare to say that they deserve to be treated decently.

As long as we deny that we do not choose who is human and who is not, our efforts will be in vain.
As long as we do not admit that it is more often than not the system whose laws they break that pushed them to the gates of hell, our horizon is made of pain.
As long as we do not confess that punishment serves no purpose but revenge, the vicious cycle will turn again and again.

     “Then maybe we should make prisons less cruel !” the more temperate would say,  “Let’s take inspiration from the Norwegians !”
It is of course an emergency. But sticking to reforms will once more lead to agony.
We can dare to brave the traditional policy !

Let us take the neurosis at its roots, and brave the funeral path that leads so many sons and daughters, brothers and sisters, fathers and mothers, to the silver coffin.

    Their muffled scream is shrill. Their suffering reflects our weakness.
We can no longer hide behind the uncertainty of future to let cruelty ferment within the bars of  prison.

Let us break down the walls and shackles, for the wound never heals on battles.

Traduction Julia Mouton

Il était une fois, trois tyrans maléfiques, qui dominaient le monde depuis bien des années.
Il serait malhonnête de prétendre qu’ils étaient les seuls oppresseurs sur Terre, mais dans notre histoire, ils étaient bel et bien les protagonistes.

Ils ignoraient que les humains ne sont pas des êtres se complaisant dans la captivité, ou tout au moins iels ne plient pas longtemps sous le même joug, habitué·es à balayer l’ancien pour filer sous un nouveau.
Avec le temps, nos trois démons ont aussi été mis au banc de nos sociétés, au grand dam de leurs plus fervent·es défenseur·euses.
Mais jamais ils ne périrent, jamais ils n’abandonnèrent leur sinistre dessein, jamais ils ne perdirent leur pouvoir.
Au lieu de cela, très chèr·es, ils se cachèrent dans les recoins les plus sombres de notre monde, continuant à gouverner, sans que nous en ayons la moindre idée.

Maintenant, laissez-moi vous dire que ces trois diables n’étaient autres que racisme, violence et esclavage, et que leur refuge, où ils reposent toujours paisiblement, était la prison.

      Testons notre morale : autoriser des insultes racistes ? Plus jamais !
Autoriser un homme à frapper son prochain déjà à terre ? Plus jamais !
Autoriser les forces de l’ordre à violer ? Plus jamais !
Filmer une personne jour et nuit, qu’elle soit nue ou habillée ? Plus jamais !

Et bien, au-delà de l’hypocrisie de ces grands principes, dans le système carcéral, on ne prétend pas même essayer de les appliquer !

      Comment vous sentiriez-vous si vous étiez retenu·e en captivité ? Encore plus mal traité·e qu’un animal dans un zoo, et si vous aviez à dormir à même un sol humide ? Si vous étiez isolé·e pendant des semaines, sans apercevoir le moindre rayon de lumière ?
Imaginez vous épuiser au travail, sans jamais être payé·e.
Harcelé·e et humilié·e par ceux et celles responsables de votre sécurité.
Tout cela à la fois, et bien plus encore. Oubliez la plus petite once de confort, elle vous sera perversement retirée.

     L’on pourrait répondre qu’iels le méritent, que la prison n’est pas faite pour être agréable, et que l’on n’est pas derrière les barreaux si on est un·e bon·ne Samaritain·e. À comportement inhumain, réponse inhumaine !

Mais en vérité, personne ne peut se lever et prétendre que ce ne sont que les plus infâmes violeur·euses et les plus sanguin·es meurtier·ères qui sont incarcéré·es.
Combien de femmes sont condamnées pour être des travailleuses du sexe ?
Combien d’hommes sont jetés en prison pour avoir vendu les drogues que nous consommons ?
Bien plus que des clones de Jeffrey Dahmer.
Si votre violeur est un riche homme blanc, vous pouvez être sûr·e que bien des Noir·es mourront sur le sol de leur cellule avant qu’il n’y mette les pieds.

     Retenez votre souffle, car vous n’avez pas encore entendu le pire. Non seulement nous laissons l’oppression couler ses plus beaux jours dans notre société «libérale», et se nourrir de nos semblables, mais en plus certain·es tirent profit de cette nouvelle forme d’exploitation !

L’industrie carcérale sélectionne sa main d’œuvre, et elle n’a rien oublié des leçons de son vieux père l’esclavage.
Bien sûr, « Ni l’esclavage ni la servitude involontaire n’existeront aux États-Unis ».
Mais ne soyez pas trop ébloui·e par les portes dorées du 13ème Amendement de la Constitution états-unienne.
Derrière elles, repose le serpent au venin mortel, la flagrante ignorée, la maligne exception : « sauf en cas de punition pour crime pour lequel le parti aura été dûment condamné ».

Le moulin capitaliste moud toujours le même grain, et ce sont les communautés racisées que le nuage de l’incarcération aime priver du soleil, flottant au-dessus de leurs têtes comme une menace étouffante.

Jamais n’avons nous vu un pari économique si fructueux.
La prison comme réhabilitation n’est plus qu’une lubie de nos ancêtres. De nos jours, les multinationales ont compris comment s’hydrater du sang et de la sueur du·de la prisonnier·ère.
De nos jours, leur santé dépend de l’incarcération de masse.

      Angela Davis a écrit que la prison est vue comme « un élément constitutif et immuable de nos sociétés »[1].
Aujourd’hui, nous clamons avec elle que ce système est obsolète.
Depuis notre naissance, nous avons appris que les méchant·es étaient puni·es.
Aujourd’hui, nous osons dire qu’iels ont le droit d’être traité·es décemment.

Tant que nous nierons que nous ne choisissons pas qui est humain et qui ne l’est pas, nos efforts seront vains.
Tant que nous n’admettons pas que bien souvent le système dont iels enfreignent les lois est celui qui les a poussé·es aux portes de l’Enfer, notre horizon est sanguin.
Tant que nous nous refusons à avouer que le châtiment ne sert d’autre but que la revanche, le cercle vicieux poursuivra son chemin.

     « Alors peut-être devrions-nous rendre les prisons moins cruelles ! » diront les plus tempéré·es. « Inspirons-nous de la Norvège ! ».
C’est bien sûr le plus urgent défi. Mais s’en tenir à réformer mènera une fois encore à l’agonie.
Osons affronter nos coutumes usées !

Prenons la névrose à la racine, et bravons le chemin funèbre qui mène tant de fils et de filles, d’adelphes, de pères et de mères, au cercueil d’argent.

     Leur cri étouffé est strident. Leur souffrance reflète notre faiblesse.
Nous ne pouvons plus nous cacher derrière l’incertitude du futur pour laisser la cruauté fermenter derrière les barreaux de la prison.

 Brisons les murs et les chaînes, car la plaie jamais ne se soigne dans la vilaine rengaine.

[1]DAVIS Angela, La prison est-elle obsolète, 2003, trad. N. Peronny 2014, Lasse s’Edition

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