Ce que j’aurais aimé savoir avant d’entrer à la fac
Par Madeleine Gerber
Publié le 30 août 2024
Photo ©Elise Gerber
C’est la rentrée dans quelques jours, tu vas bientôt subir les inscriptions pédagogiques, le concept de TD te semble encore flou, mais tu repousses la lecture rébarbative de ton guide de la vie étudiante – comme tu le fais depuis deux ans avec ton code de la route ? Pas de panique. Je serai ton gourou universitaire le temps d’un article.
Ne comprennent pleinement la fac que celles et ceux qui sont en plein dedans. Un peu comme parcoursup, qui est un concept assez flou jusqu’à ce qu’on se retrouve en terminale, à devoir choisir son avenir sur un site à l’ergonomie douteuse. Fraîchement diplômée d’une licence à Panthéon-Sorbonne, j’ai pu me confronter à d’innombrables problématiques de la vie étudiante et me heurter à une administration sans cœur. Alors voici quelques conseils et informations qui te seront utiles, je l’espère, en te souhaitant une excellente année scolaire.
Je veux des potes
Tu as toujours réussi à te faire des ami·es, même lorsque tu as pleuré toutes les larmes de ton corps au changement de classe en seconde. Alors pas de stress, ça vient naturellement, quand tu t’assieds à côté de quelqu’un, que tu prêtes un stylo ou que tu vannes la calvitie du prof.
Attention tout de même aux grands espoirs de début d’année : non, tu ne pourras pas être pote avec tout le monde et c’est pas grave. Peut-être que tu découvriras des gens de ta promo que tu jugeais un max dans ton coin, c’est une bonne chose. Mais l’enthousiasme de septembre à coup de pique-nique de prérentrées, de blagues incessantes sur le whatsapp et de soirée fesses-à-même-le-pavé-bière-douteuses-à-la-main, s’arrêtera aussi net quand chacun·e aura trouvé son groupe. En tout cas, une chose est sûre, les critères de coolitude ne sont pas les mêmes qu’au collège ; il te suffira de porter couvre-chef, veste ou lunettes improbables pour attester de ta personnalité unique. Alerte vanne, que tous·tes les étudiant·es en arts plastiques reposent leur couteau, je croyais que ça servait uniquement à la gravure sur béton. Je te rassure aussi concernant les notifications qui se calmeront assez vite quand tout le monde aura trouvé chaussure à son pied.
Enfin, si tu veux varier tes cercles d’ami·es pour éviter d’avoir le code civil (par exemple) comme unique sujet de conversation ; deviens membre d’une asso. Tu pourras rencontrer des gens super cools venu·es d’autres horizons ; une vraie bouffée d’air frais. D’autant plus que c’est une expérience enrichissante qui te permet de prendre des responsabilités et/ou de t’amuser en faisant ce que tu aimes. Il y en a pour tous les goûts : magazine, éloquence, audiovisuel, politique et j’en passe. N’hésite pas à checker les comptes insta et à venir aux soirées organisées en début d’année. Ça fait peur mais de là peuvent fleurir de belles amitiés.
Je veux des bonnes notes
Attentif.ve en cours tu seras. Si déjà tu viens en cm, écoute et prends des notes ; ça sera du temps gagné pour tout le monde. Si tu ne comprends rien, tu pourras poser des questions au·à le·a prof – ou les faire poser par ces spécimens qui ne se font pas caca dessus à l’idée de prendre la parole devant tout un amphi – sans te retrouver dans l’incompréhension la veille du partiel. Et puis, des cours bien pris servent toujours de monnaie d’échange à la fac. Surtout ne te repose pas sur les anges de ta promo qui proposeront de prendre les cours pour tout le monde ; cela peut vite tourner en pacte avec le diable. Enfin, tiens-toi loin de tes ami·es dissipé·es dans l’amphi. Iels te feront certes passer un meilleur moment que tu regretteras amèrement devant le sujet à quatre lignes du partiel de philo.
Les livres en avance tu liras. Qu’il était beau le temps de la première année, où tu avais seulement tes cours à réviser. Dès la L2, tu devras puiser ton savoir dans des livres de gens plus intelligents ou, si tu n’as pas de chance, dans ceux écrits par ton ou ta prof qui cherche à booster ses ventes. Ces livres se divisent en deux catégories : bibliographie obligatoire et bibliographie indicative. Les premiers, il faut absolument les lire, les ficher, les retenir, car parfois, un partiel entier repose sur quelques chapitres. Les deuxièmes, la meilleure version de toi-même de septembre va se jurer de les lire pour la culture G. Si cette version est toujours active en décembre bravo à toi.
Des bonus tu feras. Tu es doué·e en jonglerie ? (le sport dont personne ne veut, en octobre tu recevras trois mails t’informant qu’il reste encore des places), en tango ? en escalade ? Tu adores le théâtre ou les langues ? Inscris-toi en bonus lors des inscriptions culturelles et sportives. Attention, ils ne sont pas cumulables. Cela te permet de gagner jusqu’à 0,5 points sur ta moyenne générale. (C’est proportionnel à la note que tu obtiens pour cette activité, 12/20 = +0,1 point ; 14/20 = 0,2 points etc). Attention tout de même, cela demande du travail en plus : suivre les cours d’une 2e langue et passer les partiels, fournir un travail supplémentaire en théâtre, être noté en sport quand ceux·lles en formation personnelle se la coulent douce. Il existe aussi le bonus de l’engagement étudiant pour valoriser ton investissement dans une asso ou un projet engagé, mais la légende raconte que c’est beaucoup d’effort et peu de fun pour pas grand-chose. Le bonus est à tester au moins sur un semestre, ça permet de faire une activité sympa, de rencontrer du monde et de booster tes notes pour se moquer de Romuald, ton cousin qui redouble sa première année d’école de commerce pour la troisième fois consécutive.
Je veux du calme
Ton voisin du dessus a la libido en feu et ta voisine du dessous se prépare pour les Cours Florent (elle ne passera pas la première étape) ? Difficile de se concentrer quand tu te décides enfin à étudier. Les bibliothèques sont là pour toi. Havre de paix où d’autres se chargent pour toi de faire taire tout être vivant respirant un peu trop fort. Tu peux accéder à celles de ton université avec ta carte étudiante, mais il y a aussi les bibliothèques de la ville, et Paris en regorge. Il suffit de se faire faire une petite carte (gratuite) et le tour est joué.
Les cafés sont aussi une solution si tu as de l’argent et un cruel déficit de caféine, attention cependant à la petitesse des tables, la proximité des prises ou encore aux cafés-traîtres interdisant l’utilisation des ordinateurs sur certaines plages horaires.
Enfin tu peux toujours squatter (avec modération) chez des ami·es qui habitent dans un arrondissement bien plus morne mais calme (le 15e) que le tien.
Je veux un stage
Parfois, tu seras obligé·e de faire tant et tant d’heures pour valider ton année. Ne t’y prends pas à la dernière minute pour éviter le stress et les stages foireux. La difficulté n’est pas tant de trouver un stage mais d’en trouver un bon. Fais toi confiance, n’accepte pas le premier venu et prends le temps de la réflexion. Quitte à te faire exploiter pendant un mois, il faut que tu en tires profit. Et ceux·lles qui se sont bien débrouillé·es (je n’en fais malheureusement pas partie) se retrouvent avec un contrat de travail à la clé. De quoi rassurer ta famille qui n’a jamais cru en ta fibre artistique.
Tu peux les trouver sur indeed, linkedin, facebook, insta, via ta fac, Profilscultures, cinéastes.org et autres sites spécifiques à ton domaine d’étude. Les stagiaires sont activement recherché·es par les boites et même si parfois les prérequis paraissent insurmontables (ceux·lles qui demandent un bac+5 et une myriade de compétences on vous dérange pas ? aucune personne saine d’esprit avec ce profil ne travaillera chez vous gratuitement, même avec des tickets restau). Alors n’hésite pas à postuler si quelque chose te correspond vraiment.
Je veux un taff
Alors non il n’y en a pas à chaque coin de rue, mais il faut tout de même ouvrir l’œil. Une petite annonce sur le comptoir de ta boulangerie de quartier ou sur la grille du collège près de ta fac. On cherche toujours des surveillant·es, des caissier·ères, des vendeur·euses sur le marché, des babysitters etc. Parfois ça marche au bouche-à-oreille, parfois tu trouveras en épluchant les pages Indeed. Attention à ne pas te surcharger d’heures ou alors mets toi en contrôle terminal à la fac (avec un contrat de travail de plus de 10h par semaine). Et par pitié change moi ta photo de CV qui date de la seconde, peut-être que tu inspireras plus la confiance maintenant que ton acné a migré dans le dos.
Je veux manger
Bonne idée ! Veille à bien t’alimenter maintenant que tu n’es plus en pension complète chez tes parents. C’est à ce moment là que tu comprends que, oui, la nourriture c’est cher, maudite crise économique. Si tu manques d’idées ou de skills, tu trouveras sur les réseaux quantité de recettes spéciales budget étudiant ; je ne te les liste pas ici , tu fais partie de cette génération sachant utiliser un moteur de recherche.
Parlons un peu de toogoodtogo, ma bataille de chaque jour, l’application divine qui flatte ton égo et ton porte-monnaie. Si les bobos l’ont peu à peu envahie (parce que manger le fond des poubelles devient à la mode) je te garantis que tu ne regretteras pas son utilisation. Tu peux y trouver des paniers de supermarchés, de maraichers, d’épiceries, de restaurants ou autres à faible coût, contenant les invendus à la date de péremption dépassée. Alors, certes ton concombre fait la gueule, ton fromage n’est plus de prime jeunesse et tu te méfies de ces rillettes de poulet, mais pour 4 euros je t’assure que c’est une bonne affaire. Prends les paniers les mieux notés, surveille bien les heures de collecte et n’hésite pas à mettre une seule étoile aux commerces qui prennent la grosse tête. En tout cas, tu seras confronté·e à de nouveaux légumes, forcé·e d’être créatif·ve dans ton assiette. Tu feras des erreurs, mais surtout n’abandonne pas, car je te le rappelle, tu sauves aussi un peu la planète (et le chiffre d’affaire des entreprises qui jetaient tout à la poubelle avant, en mettant de la javel dessus pour pas que les sdf puissent en profiter mais on s’éloigne du propos).
Je passerai rapidement sur les restaus U – big up à la cité universitaire qui n’a pas à rougir de sa réputation – mais en fonction de ton campus, il peut n’y avoir qu’une cafète. Tu vas donc pleurer des larmes de sang en mangeant des sandwichs insipides, ne sachant plus si tu mâches du jambon ou un bout d’emballage. Tu te persuaderas que ces muffins à moitié décongelés sont un délice. Et si tu es boursier·ère, profite de ton repas à un euro avant que Macron ne change d’avis. Mais la solution la plus économique reste le meal prep. Ramène ton petit tup’ rempli en n’oubliant jamais tes couverts, sinon tu seras facturé·e 50 centimes pour une misérable fourchette en bois que tu voudras planter dans l’œil de cet homme, qui, bien au chaud près de la machine à panini, t’expliquera que c’est une manière de te responsabiliser. Autre avertissement concernant la malédiction des microondes. Privilégie des repas froids quand tu peux, pour éviter l’attente interminable dans la file pour les microondes, ou le microonde, en fonction des coupes budgétaires de ton campus.
Notons aussi que certaines asso étudiantes organisent des distributions de produits pour les plus précaires ; on les remercie chaleureusement.
Enfin, les supermarchés alentours profiteront de l’offre médiocre du Crous pour capitaliser sur la faim étudiante. Mais tu peux te battre à la loyale en installant les applications de fidélité des supérettes et des fastfoods avoisinants. Chaque euro dépensé sera rentabilisé en coupon de réduction. Je conseille tout particulièrement Lidl+ qui saura te redonner le sourire avec des coupons GRATUITS sur quelques produits. Une technique de marketing parfaitement rôdée pour réveiller le·a capitaliste qui sommeille en toi.
Voilà j’espère avoir fait le tour et t’avoir aidé·e par la même occasion. Je te souhaite la meilleure année possible, de réussir – ou de te planter et de trouver ton bonheur dans une autre voie. De te faire des potes, de prendre du plaisir dans des engagements extra scolaires. De kiffer ta vie d’adulte indépendant·e et de manger à ta faim pour que tu aies l’air tout·e pimpant·e pour la visite médicale universitaire. Haut les cœurs pour les partiels (les blocus ne viendront pas toujours te sauver).