« À sexe égal » : une collection visant à démocratiser la pluralité des genres de la littérature féministe
Par Mélina Saysana
Photos ©Chloé Labarthe
Publié le 23 décembre 2023
Prévue pour le début de l’année 2024, la collection littéraire « À sexe égal » de chez Beta Publisher s’inscrira dans une véritable volonté de promouvoir un discours d’égalité et de mise en avant de la figure féminine. Que représente alors la littérature féministe, et pourquoi est-elle d’utilité publique ? Camille de Decker, fondatrice de Beta Publisher, a accepté de nous partager son point de vue en tant qu’éditrice.
Ce n’est qu’un léger aperçu des premiers textes retenus pour la collection, qui lancera un nouveau chapitre de l’histoire de la jeune maison d’édition. Ces sentiments forts et assez bouleversants, au sortir de la lecture, pourraient presque faire écho à ceux de la jeune Camille de 23 ans, il y a quelques années, lorsqu’elle a décidé de s’aventurer dans le milieu éditorial sans codes prédéfinis ni prémâchés. En effet, se lancer ainsi dans l’inconnu n’a pas été sans embûche ni difficulté, « surtout en étant une femme ».
Il n’est pas évident de gagner la confiance des acteurs financiers ni celle des premier·ères auteur·ices qui allaient réellement permettre de concrétiser ce projet.
« C’est parce que je n’avais pas les codes que j’ai pu les briser », souligne-t-elle en expliquant ce qui fait de Beta Publisher une entité si singulière. Il s’agit d’un rapport de proximité entretenu aussi bien avec les lecteur·ices que les écrivain·es de la maison. Que ce soit au travers du site internet informel, des réseaux sociaux ou encore des rendez-vous organisés au Book Nook (BKNK pour les fidèles, un coffee-shop littéraire greffé au siège de la maison d’édition), Beta Publisher parvient à briser le quatrième mur entre le monde de l’édition et le lectorat. « À sexe égal » devrait alors s’annoncer comme une forme de continuité naturelle de l’ambition novatrice de l’entreprise, spécialisée dans la littérature de genre. Elle prévoit ainsi de traiter du féminisme à travers un corpus d’œuvres très hétéroclites, allant du genre fantastique à celui du polar, en passant par la forme du livre illustré. Les possibilités sont multiples, du moment que les voix qui les portent soient « originales et traitent intelligemment de leur sujet ».
Favoriser la pluralité des genres littéraires, c’est permettre d’intégrer plus largement la voix des femmes au sein de multiples récits, et ainsi proposer une démarche en faveur d’une égalité des représentations. Mais pour que cette volonté puisse être menée à bien, le paramètre crucial à prendre en compte est alors l’accessibilité des œuvres et des messages délivrés. Tant de personnes perçoivent encore la littérature féministe comme une littérature portée à l’encontre du genre masculin ou exclusivement politico-sociale. Cela tend donc à la rendre inaccessible pour certain·es et peut donner un sentiment d’illégitimité à se revendiquer féministe… parce qu’on n’aurait toujours pas lu les essais de Simone de Beauvoir ou ceux de Bell Hooks par exemple.
Cela n’est, au fond, qu’une autre idée préconçue, puisque le féminisme peut en réalité se décliner sous tant de formes. Le plus important étant que « la cause ne peut tout simplement pas se construire sans l’homme, sans l’éducation qu’il faut lui apporter sur ces questions. Quand on n’a pas connu l’inégalité, on ne peut alors pas savoir ce qu’il en est réellement ». Parallèlement à l’importance d’incarner la lutte des femmes pour l’égalité des droits, il y a finalement tout cet enjeu de sensibilisation qui s’articule autour des thématiques féministes. C’est pourquoi cette collection cherche, avant tout, à toucher le plus grand nombre en atteignant les émotions d’un lectorat très large et hétéroclite.
La genèse de la collection
« Comme pour tout bon méchant, il y a une vraie ‘origin story’ de ce projet. »
Pour mieux comprendre cette origin story, il faut revenir quelques années plus tôt, lorsqu’un certain dénommé Stéphane Bourles débarque chez Beta Publisher avec un projet : publier un recueil de nouvelles sur la thématique des violences faites aux femmes, en association avec la fédération Solidarité Femmes. L’idée intéresse grandement la maison d’édition, qui lance alors un appel à textes et décide d’étudier chacun d’entre eux grâce à une fine équipe constituée de Camille, Stéphane, et une personne représentant l’opinion de Solidarité Femmes. Il était important pour Camille d’adopter ces trois points de vue singuliers afin d’arriver à une sélection juste et diversifiée. Cela a pu donner lieu au recueil Loin du Coeur paru en 2021, qui regroupe 21 nouvelles poignantes traitant aussi bien du mythe d’Adam et Eve que des émotions d’une femme androïde dans un futur anticipé.
Suite à la publication des textes, les commentaires ressortissants ont été positifs dans l’ensemble, mais une question s’est tout de même imposée à Camille : ne serait-il pas nécessaire d’aborder le thème de la femme de façon « plus tranquille » ? Parce que chacun·e possède sa propre sensibilité et ses propres expériences, il est normal que le sujet des violences ait pu dissuader certain·es de continuer leur lecture. En effet, il fait écho à des sentiments douloureux et très personnels.
« « À sexe égal » s’est alors nourri de cette réflexion sur le genre féministe, sur ce que c’était et ce que ça devrait être. »
Tout l’intérêt de la collection est qu’elle est porteuse « de vrais messages, mais surtout des bons messages ». Ceux-ci sont distillés à travers des tons et des formes multiples afin de pouvoir changer le regard de certaines personnes qui ont du féminisme « une image négative de militantisme, et peut-être de violence, voire d’extrémisme, à dire qu’on met les hommes de côté alors que pas du tout. Le féminisme ce n’est pas la misandrie ».
N’oubliez pas alors, que tout se lit à sexe égal.