Que leurs rugissements résonnent

Par Héloïse Goulet
Publié le 13 décembre 2021

Plus de dix ans après sa dernière performance en France, la comédie musicale Le Roi Lion fait un retour flamboyant : les billets se vendent rapidement et le spectacle a rapidement été annoncé complet. En tout cas, ma salle l’était.

Créé initialement pour la très célèbre scène de Broadway, ce qui est maintenant considéré comme l’une des productions les plus populaires que Walt Disney Theatrical ait jamais conçue, est parvenu à s’imposer également sur la scène internationale. Inspirée du dessin animé homonyme des studios Disney, sorti en 1994, l’adaptation au théâtre, signée Roger Allers et Irene Mecchil, rencontre un franc succès, et ce dès sa première à l’Opheum Theatre de Minneapolis, trois ans après. Et la dernière… La dernière n’est probablement pas près d’avoir lieu.

Un festival de couleurs

Après plus de deux ans de Covid et de nombreux confinements, l’heure est au divertissement. Et pas n’importe lequel. Lassée d’être confrontée à la mort, la solitude et au doute, ou plus généralement à des sujets sensibles, comme elle l’a récemment souvent été, la population s’est instinctivement tournée vers quelque chose de plus léger, sa seule envie étant de décompresser. Quoi de mieux pour cela qu’une belle histoire alliée à la magie de la nostalgie ? Et le choix était aussi celui de la sécurité. Lorsqu’on traverse une période compliquée, dans laquelle pratiquement tout est incertain, il est bon de retourner vers ce que l’on connaît. De rejoindre ce que l’on considère comme une zone de confort pour s’y réfugier.

Le Roi Lion est l’un des longs métrages les plus emblématiques de Disney, et selon beaucoup de sondages, le préféré des Français·es. Une place de laquelle il ne risque pas d’être destitué, si l’on en croit le succès des événements autour de celui-ci. La comédie musicale qui porte son nom a clairement su être à la hauteur du mythe. Sur un fond bleu imitant le ciel de la savane, la faune, après la flore, s’anime. Les animaux sont incarnés par des acteur·ices déguisé·es et doté·es d’accessoires pour les aider à se mouvoir. Les personnages principaux sont incarnés par des comédien·nes, dont les costumes comportent des casques mécaniques, qui peuvent être levés, pour amplifier les expressions faciales des vraies personnes et montrer le fantastique maquillage, ou rabaissés pour accentuer l’illusion d’un félin se ruant sur sa proie. Les personnages secondaires, comme Timon et Pumba sont, quant à eux, joués dans des marionnettes géantes. Le même soin est accordé à des protagonistes qui pourraient sembler à première vue insignifiant·es. Pourtant, iels participent à construire un véritable environnement. Les girafes sont par exemple interprétées par des comédiens marchant précautionneusement sur des échasses. Au bout du compte, ce n’est pas une pièce de deux heures qui vous est proposée au Théâtre Mogador ; c’est un voyage. Mais toutes les couleurs qui le comblent ne sont pas qu’esthétiques.

Plus qu’une adaptation, une nouvelle version

L’un des plus grands reproches que l’on peut faire, à n’importe quel type d’adaptation, est certainement celui de ne rien inventer. D’être la répétition, en moins bien, d’un classique, forgé par une qualité souvent renforcée par le temps et l’attachement. Et de même que pour les live action au cinéma, quand on s’attaque au monument qu’est Disney, il vaut mieux avoir de très bonnes armes. Ici, on a carrément sorti l’artillerie. Dès les premières minutes, on comprend que la soirée sera plus tard cristallisée en un souvenir très différent de ce qu’on connaît. Tout d’abord, le personnage du singe Rafiki a été transformé en rôle féminin, en accord avec la tradition en Afrique, où ce sont souvent les femmes qui se portent garantes de la tradition orale. On remarque donc un vaste travail de recherche, destiné à moderniser et à actualiser le scénario, pour que la féerie émane enfin de la réalité.

Cependant, les deux œuvres ne divergent pas uniquement par les écarts de l’une en comparaison à l’originale. La nouvelle version détonne également par ses multiples ajouts, notamment au niveau des chansons. Il y a par exemple Grasslands Chant (La Savane), ou encore, The Madness of King Scar (La folie du Roi Scar), issu d’une scène supprimée du dessin animé avant sa publication, en raison de son caractère violent. Outre ces ajouts musicaux, plusieurs séquences ont été créées spécialement pour le spectacle, enrichissant ainsi la narration et soulevant d’autres enjeux importants. Toutes ces modifications forment finalement une ode à la culture africaine, en incorporant par exemple du swahili aux paroles et en essayant de respecter les coutumes de ce beau continent, tout en offrant une histoire absolument extraordinaire.

L’adaptation d’un conte

Ce n’est pas un secret que la plupart des dessins animés Disney sont en réalité tirés de contes, puis arrangés pour rentrer dans la case qui leur est destinée. Une case qui conviendra au public visé : les enfants. Dans le récit qui inspira Peter Pan, le pays imaginaire est peuplé de sirènes séductrices, de mercenaires sanguinaires, de fées manipulatrices et le petit garçon qui l’habite n’a rien d’innocent. Pinocchio, quant à lui, est décrit par Carlo Collodi comme une marionnette mauvaise, qui tue cruellement Jiminy le criquet, au cours des premiers chapitres, pour finir à son tour pendu.

Si Le Roi Lion est un film original, il semble pourtant avoir conservé les codes des contes que le studio s’efforçait d’effacer. En effet, il est sûrement celui qui a le plus marqué les esprits, une impression particulièrement liée à la mort de Mufasa, mais aussi au traumatisme que peut provoquer la trahison d’un proche. Au-delà du fait que ces péripéties respectent certains codes, leur dessein rentre de la même manière dans le cadre. Effectivement, les contes permettent d’enseigner et d’éduquer leurs lecteur·ices, généralement jeunes, et d’offrir une morale en fonction des épreuves que les protagonistes ont traversées ; épreuves auxquelles iels peuvent s’identifier. Dans la comédie musicale, ces leçons sont chantées, ce qui est d’autant plus frappant pour le public. Le plus marquant est probablement qu’au lieu de lire un récit ou de le regarder prendre vie, cette fois, on en fait partie. Et juste comme ça, le conte s’élève au rang de légende.

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