La fast fashion, quelles conséquences ?

Par Margot Drouillet
Illustration : Nathéane Le Meur, @nxthexne (Instagram)
Publié le 20 janvier 2022

En achetant un vêtement quelconque dans un magasin tel que H&M ou en ligne, dans une boutique telle que Shein, il est plutôt rare que nous nous questionnions sur l’acheminement de ce produit afin que nous puissions le porter. Pourtant, il est évident, et cela encore plus avec le développement de la fast fashion, que la production d’un vêtement a des conséquences humaines mais également environnementales.

Qu’est-ce que la fast fashion, et pourquoi a-t-elle un impact négatif, à la fois sur le plan environnemental et sur le plan humain ? On peut définir la fast fashion comme étant le fait de produire des vêtements rapidement, régulièrement et à un faible coût. En atteste notamment le renouvellement permanent des collections dans les magasins. Cette nécessité de productivité institue des conditions de travail insoutenables pour les travailleur·ses, mais a également un impact environnemental important.

Des droits humains bafoués

La production de produits textiles se fait aux dépens des individus qui travaillent pour la fabrication de ceux-ci. Les ouvrier·ères, pour la plupart localisé·es dans des pays d’Asie du Sud-Est, travaillant au compte des multinationales de l’industrie textile, sont indéniablement très mal payé·es. En France, environ 70 % des vêtements vendus sont fabriqués en Asie du Sud-Est par une main d’œuvre exploitée [1]. On parle de main d’œuvre exploitée, car leur salaire n’est absolument pas proportionnel à leur travail et ce, quel que soit l’indicateur de salaire vital choisi. En effet, le Fair Wage Network affirme que les salaires minimaux dans les pays de production textile sont inférieurs de deux à cinq fois au salaire vital ; un salaire qui permet certes de vivre, par opposition à un salaire qui ne permettrait pas de vivre, mais seulement de survivre. À titre d’exemple, au Bangladesh, les ouvrier·ères ne sont payé·es que 0,32 $ de l’heure. C’est le plus faible salaire au monde.

Une main d’œuvre à très faible coût est un “avantage comparatif”, qui a fait du pays le deuxième exportateur de textile au monde, derrière la Chine. Cela pousse le pays à ne pas intervenir concernant la main d’œuvre sous-payée et par rapport aux conditions de travail misérables. Au Pakistan, le salaire est de 0,55 $ de l’heure [1]. Quand les travailleur·euses ne travaillent pas de leur plein gré pour parvenir à survivre, ils peuvent également être victime du travail forcé, comme pour les Ouïghour·es en Chine, contraint·es de travailler pour un salaire de misère. En effet en 2019, le think tank (groupe de réflexion) Australian Strategy Policy Institute dévoilait dans le rapport « Uyghours for Sale » l’existence de travailleur·euses forcé·es ouïghour·es produisant des vêtements, des chaussures etc, pour des enseignes majeures du marché occidental, comme Nike ou Adidas. Il ne faut pas non plus oublier que l’industrie textile emploie également des enfants, comme en atteste le scandale Nike de 1996, où une photo d’un enfant, fabriquant des ballons pour la marque, avait été révélée. Il s’agit là d’un exemple ancien, mais le fait qu’il existe encore des enfants employé·es dans cette industrie est toujours d’actualité.

Par ailleurs, les multinationales ne produisent pas leurs produits elles-mêmes, elles les font produire par des sous-traitants. Par ce biais, elles peuvent violer les droits humains indirectement car elles n’engagent aucune responsabilité juridique et ne sont pas blâmées pour les actions des sous-traitants. Les codes de conduite qui sont adoptés, dans les grandes multinationales, font d’ailleurs peser la responsabilité sur les fournisseurs ou sur les sous-traitants, mais pas sur la multinationale. Il n’y a pas de responsabilité juridique entre le donneur d’ordre et sa chaîne de sous-traitance, même si, depuis mars 2017, il existe une loi française relative au devoir de vigilance des entreprises sur leurs sous-traitants et fournisseurs. Quand Zara, H&M et d’autres marques ont utilisé, par le biais des sous-traitants, le travail forcé des Ouïghour·es, il a fallu faire le lien entre le sous-traitant et la marque. Même quand le lien a été établi, les marques se sont cachées derrière le prétexte qu’elles ne savaient pas et qu’elles ignoraient les actions de leurs sous-traitants. En faisant cela, les marques se dédouanent complètement de toute responsabilité.

Au Bangladesh, les ouvrier·ères ne sont payé·es que 0,32 $ de l’heure. C’est le plus faible salaire au monde.

De plus, la régulation des entreprises, quant au respect des droits humains, est limitée. Au Pakistan par exemple, alors que l’industrie textile représente 70 % des exportations et 300 000 entreprises, il y a seulement 547 inspecteur·rices du travail (dont 17 femmes)[2]. De plus, le travail des femmes est mal vu au Pakistan, car la vision archaïque de la femme qui doit rester au foyer est très forte. Ainsi, beaucoup de femmes travaillent à domicile et ne sont alors protégées par aucune législation.

Viennent également s’ajouter les conditions de travail qui sont très difficiles, les heures de travail pouvant aller, d’après le Collectif Ethique sur l’étiquette, jusqu’à 12h par jour, six jours sur sept. Tout cela sans compter les heures supplémentaires, qui ne sont, bien entendu, pas rémunérées. De plus, les ouvrier·ères sont embauché·es ou licencié·es sans formalité, en fonction des besoins de production.

L’impact de la fast fashion sur l’environnement

L’industrie textile, et plus particulièrement la fast fashion, a un impact environnemental très important, du fait des produits utilisés et du transport des marchandises. Le polyester, une fibre synthétique dérivée du pétrole, est un des matériaux les plus utilisés pour produire des vêtements. On en retrouve dans énormément de produits textiles. C’est un matériau qui vient d’une ressource fossile, aux premiers abords ce n’est donc pas une source très écologique. Le polyester est dangereux pour l’environnement, car au lavage, des microfibres plastiques sont relâchées dans l’eau. Cela produit inévitablement de la pollution, une pollution qui finit dans les océans. En effet, selon l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise écologique), chaque année, ce serait l’équivalent de 50 milliards de bouteilles plastiques qui sont jetées en mer [3]. Cela a des impacts sur les organismes marins qui ingèrent ces microfibres plastiques. En effet, les animaux infectés ont tendance à développer des problèmes digestifs et des troubles de l’appétit. De plus, cela affecte toute la chaîne alimentaire.

La conception d’un jean nécessite 7500 litres d’eau

Quand il n’y a pas de polyester dans nos vêtements, on y retrouve quasiment toujours du coton : c’est le produit le plus utilisé dans l’industrie textile. Pourtant, la culture du coton se fait par un mélange important de pesticides. C’est la principale culture consommatrice de produits phytosanitaires au monde, ce qui impacte fortement les écosystèmes. Pour donner des chiffres, la culture de coton ne représente que 2,5 % de la surface agricole mondiale, mais consomme 11 % des pesticides [4]. C’est également une culture qui nécessite l’utilisation de beaucoup d’eau douce. La pluie n’étant pas suffisante à la production, il faut détourner l’eau des rivières, lacs etc., [5] alors même que les régions de production (Chine, Inde..) ont déjà un accès limité à l’eau douce. D’après les Nations Unies, la conception d’un jean nécessite 7500 litres d’eau, soit 50 baignoires remplies [6]. La laine et le cuir quant à eux posent un problème concernant le traitement des animaux. En Chine, par exemple, d’où est issue une grande partie du cuir mondial, il n’y a aucune loi sur l’encadrement des animaux et, par conséquent, aucune protection pour les animaux [3].

Pour ce qui concerne le transport des produits, d’après le Collectif Ethique sur l’étiquette, un produit textile peut, de la culture du coton jusqu’à sa mise en rayon en magasin, avoir parcouru 65 000 km, ce qui, on peut l’imaginer, nécessite beaucoup de carburant. Le moyen le plus rapide de transporter ces produits est l’avion, sauf que c’est l’un des moyens de transport les plus polluants. En effet, il rejette d’énormes quantités de gaz à effet de serre qui sont responsables du changement climatique.

Que faire à notre échelle ?

Alors que la fast fashion nous pousse à la surconsommation en nous encourageant à acheter des vêtements, dont nous n’avons pas besoin, à des marques plus que douteuses sur le plan éthique, il existe des alternatives. L’on peut s’acheter des vêtements tout en ne participant pas à ce modèle de production. L’un des problèmes notables de la fast fashion est le fait que l’on jette beaucoup les vêtements que l’on ne porte plus. Rien qu’en Europe, on se débarrasse de 4 millions de tonnes de textiles chaque année. 80 % de ces vêtements sont jetés et seulement 10 à 12 % sont revendus en seconde main [3]. Une alternative à la fast fashion plus écologique et plus humaine est la seconde main, que ce soit en ligne sur des sites tel que Vinted, dans des friperies ou, encore mieux, chez Emmaüs ou sur leur site internet. Cela reste une alternative plus responsable que d’acheter à des marques très peu chères des vêtements de piètre qualité, que l’on va être obligé de jeter après peu d’utilisations, au vu de la mauvaise qualité du produit. Pour savoir quelles marques respectent les droits humains et animaux, ont un impact environnemental raisonnable et ne sont pas mauvaises pour la santé, il existe des applications comme Clear fashion, qui évaluent les marques selon ces quatre critères.

[1] https://www.greenpeace.fr/comment-opter-pour-une-mode-plus-ethique-et-responsable/
[2]https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/01/25/un-rapport-de-l-ong-human-rights-watch-denonce-les-conditions-de-travail-dans-le-textile-au-pakistan_5414575_3234.html
[3] https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/
[4] https://www.fao.org/3/i4170f/i4170f.pdf
[5] https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/
[6] https://news.un.org/en/story/2019/03/1035161

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