Coupe du monde au Qatar : le scandale

Par Noémie Di Natale
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Publié le 6 décembre 2022


Dès le 2 décembre 2010, date à laquelle le Qatar a été élu organisateur de la coupe du monde de football 2022, beaucoup de débats et de polémiques ont vu le jour autour de ce sujet. Alors que la compétition a débuté il y a plusieurs semaines, nous allons voir en quoi elle forme une balance entre un évènement mondial et une catastrophe humaine et environnementale.

Du 20 novembre au 18 décembre 2022, l’un des sports les plus connus est mis à l’honneur avec la Coupe du monde de football. Cette compétition internationale a lieu tous les quatre ans et se tient, en ce moment même, au Qatar.

Cette décision, prise le 2 décembre 2010, a créé beaucoup d’indignation et d’incompréhension parmi le monde du football et même au-delà. Cette compétition est censée être un évènement joyeux et qui rassemble. Cependant, c’est la première fois qu’elle fait autant débat et que beaucoup de personnes refusent de la regarder. En commençant par étudier les problèmes moraux et environnementaux que cette compétition engendre, nous nous demanderons ensuite quelle est la meilleure chose à faire face à ce scandale, et si cela est facilement réalisable.

Alors que nous vivons dans un monde où des citoyen·nes se battent pour leurs droits dans certains pays conservateurs et où la crise environnementale n’a jamais été aussi forte et inquiétante, la coupe du monde au Qatar entraîne des problèmes, à la fois moraux et environnementaux. Ainsi, quels sont ces problèmes si scandaleux ?

Problèmes moraux

En termes de soucis moraux, trois points sont majeurs : le premier est lié à la culture du Qatar. En effet, le Qatar n’est pas connu comme étant l’État le plus juste et ouvert, en ce qui concerne les droits de l’Homme. Ce pays interdit certaines choses qui paraissent pourtant naturelles dans des pays occidentaux comme la France. De ce fait, lors de la Coupe du monde 2022, ce pays souhaite que les supporter·ices, venu·es sur son territoire pour l’évènement, respectent quelques règles qui n’ont pas été modifiées, et qui diffèrent dans la majorité des pays. Ainsi, selon le Qatar, ce sont les spectateurs·ices qui doivent s’adapter dès leur arrivée et non pas l’inverse. La FIFA a donc fait un rappel de ce que les supporters peuvent faire ou non durant ce mondial. Parmi elles, la plupart sont surprenantes et loin de l’idée que l’on peut se faire de la liberté humaine. Voici les plus notables : les hommes et les femmes qui ne se connaissent pas doivent essayer de rester à distance ; en terme de dress code, les vêtements trop courts, trop près du corps ou transparents sont interdits, ainsi que les bijoux (encore plus s’ils comportent un signe religieux non musulman), exception faite pour les montres et les alliances ; il est défendu d’être ivre dans un lieu public ; et enfin, certains gestes sont impolis comme regarder un qatarien dans les yeux ou se servir à manger avec sa main gauche.

Cette coupe du monde 2022 devrait générer au total 3,6 millions de tonnes de CO2

Ce mondial est au cœur d’un autre problème moral, qui se lie aussi à un non-respect du fairplay, mais dont on parle moins. Ce scandale est au sujet de la manière dont le Qatar a obtenu son statut d’organisateur du mondial. Effectivement, peu de temps après l’attribution de celui-ci, les journaux anglais BBC et Sunday Times ont annoncé que le Qatar aurait fraudé sa candidature et acheté la FIFA pour pouvoir organiser la compétition. Cette affaire est nommée le « Qatargate » par certains journaux, comme France football. Le Qatar aurait donné de grosses sommes d’argent (jusqu’à onze millions d’euros) à certaines personnes influentes dans le monde du football, pour qu’elles soient favorables à l’organisation de l’évènement par le Qatar. Cette fraude n’a pas empêché le Qatar de maintenir son rôle d’hôte, alors que d’autres pays, comme l’Australie, la Corée du Sud et les États-Unis avaient également candidaté.

Le troisième scandale moral majeur est celui des conditions dans lesquelles les stades pour la compétition ont été construits. Selon le journal britannique The Guardian, depuis le début de la construction des stades, donc depuis 2010, 6 500 migrant·es chargé·es de construire les stades seraient décédé·es à cause des mauvaises conditions de travail. Néanmoins, ce chiffre serait moins élevé que la réalité. Ainsi, les causes principales de ces décès sont : la chaleur, les chutes en hauteur, ou encore le suicide. À savoir qu’une fois la compétition terminée, la plupart de stades seront détruits.

Problèmes environnementaux

En plus des scandales moraux importants, cette coupe du monde pose également des soucis environnementaux qui ne sont pas négligeables, surtout dans un monde où le changement climatique nous inquiète de plus en plus. Trois problèmes écologiques lors de ce mondial sont notables.

Tout d’abord, dans la continuité des sujets en rapport aux stades, nous pouvons citer la climatisation intense mise en place pendant les matchs. Le Qatar est un pays où il fait très chaud, c’est la raison pour laquelle la compétition se tient cette année en hiver et non en été, comme c’est le cas habituellement. Il faut tout de même savoir qu’en été, ce pays peut atteindre des températures allant jusqu’à 50 degrés, et en hiver, 30 degrés, ce qui reste très chaud pour jouer ou assister à un match de football. Le plus grand souci restant les stades à ciel ouvert, car la climatisation s’en échappe.

En plus de cette grande consommation d’énergie, les moyens de transport employés lors de ce mondial sont également très polluants. Le Qatar étant un petit pays (un peu plus de 10 000 km2 de superficie), tous·tes les supporter·ices ne peuvent pas être logé·es sur le territoire. Certain·es sont alors obligé·es de dormir dans les pays voisins, tels que les Émirats arabes unis.  Pour permettre aux spectateur·ices de passer de ces pays limitrophes aux stades, le Qatar a mis en place des navettes aériennes. Cela signifie qu’environ 160 avions par jour font des aller-retours entre le Qatar et ses frontières.

Enfin, selon les prévisions de la FIFA, cette compétition polluera, de manière générale, beaucoup plus que les années précédentes. En effet, cette coupe du monde 2022 devrait générer au total 3,6 millions de tonnes de CO2. Les causes principales sont, en premier lieu, les transports, puis les logements et enfin, la construction des stades. De plus, on ne prend pas forcément en compte la pollution qu’engendrent les télévisions et les téléphones, mais la production électrique, nécessaire au fonctionnement de ces appareils, créée également du CO2 et le mondial attend 3,2 milliards de spectateur·ices. Selon ces données, la coupe du monde au Qatar devrait générer plus de CO2 que n’en a produit la coupe du monde 2018 en Russie, dont le taux de CO2 était de 2,1 millions de tonnes.

Un évènement mondial

Cependant, malgré ces polémiques, une coupe du monde reste un événement planétaire, qui se fête et dont on peut parler, habituellement, de manière positive. Malgré les soucis que ce mondial engendre, il y a également beaucoup de raisons pour lesquelles cette compétition est attendue.

Tout d’abord, nous l’avons déjà évoqué, ce tournoi d’un mois est un événement qui rassemble. Les fans de football, comme celles et ceux qui sont intéressé·es par les compétitions sportives, se rassemblent et se rencontrent. Quel que soit le vainqueur, ce type de moments permet de sourire et d’être heureux·se. De plus, le fait qu’un mondial de football n’ait lieu que tous les quatre ans, donne davantage envie de le regarder, car on sait qu’il faudra attendre de nouveau quelques années.

Il est aussi important de noter que c’est la première fois qu’un mondial fait autant polémique et qu’autant de problèmes découlent de cette compétition. Lors des coupes du monde précédentes, comme en 2018 en Russie ou en 2014 au Brésil, il n’y avait pas eu autant de soucis, que ce soit du côté éthique ou du côté environnemental. De ce fait, nous pouvions suivre la compétition sans penser à tous les points négatifs associés à celle-ci. Or cette année, il est difficile de suivre cet évènement sans penser à tous les problèmes qu’il y a derrière.

L’une des dernières raisons qui peut nous donner envie de regarder ce mondial, concerne surtout notre fierté nationale, en tant que Français·es. Il y a un enjeu purement sportif qui se joue cette année. En effet, la Coupe du monde 2018 et l’Euro 2020 (déroulé en 2021) ont marqué l’équipe de France de football. De manière positive avec le mondial, car Les Bleus ont été sacrés champions du monde, et de manière négative avec l’Euro, car la France a été décevante, se faisant prématurément éliminer dès les huitièmes de finale. Lors de ce mondial au Qatar, Les Bleus remettent leur titre en jeu. Ils doivent donc faire leurs preuves, en faisant aussi bien qu’il y a quatre ans.

Le boycott nécessaire ?

Ces dernières raisons nous donnent donc envie de regarder cette coupe du monde, mais ce n’est pas pour cela que les problèmes moraux et environnementaux s’effacent. Il y a donc une balance à trouver entre l’aspect ‘évènement mondial’ et l’aspect ‘catastrophe humaine et écologique’. La question qui se pose est donc celle-ci : pouvons-nous moralement regarder cette coupe du monde, tout en ayant conscience des mauvaises conditions dans lesquelles cette compétition se joue ?

Cela semble contradictoire, puisqu’il paraît compliqué de dissocier l’évènement en lui-même, des conditions dans lesquelles il a lieu. Si on supporte la coupe du monde, on soutient alors les éléments qui l’entourent, car cette compétition ne pourrait pas avoir lieu sans ces éléments. Par exemple, lorsqu’un·e spectateur·ice est dans un stade, iel sait forcément que des personnes sont décédées en le construisant.

La solution : le boycott. Malgré toutes les raisons qui peuvent nous donner envie de regarder le mondial, tous les problèmes qu’il engendre semblent plus fort. Une compétition n’est que passagère, alors que les enjeux environnementaux et moraux peuvent avoir un impact sur le futur. Notre raison doit donc prendre le dessus sur notre passion, et il n’est pas trop tard pour agir. Le plus simple est de ne pas regarder cette coupe du monde, faire comme si elle n’existait pas, pour ne pas la soutenir. Pour encourager ce boycott individuel et pour montrer leur non-soutien à cette compétition, huit villes de France, dont Paris, Marseille, Lille, Strasbourg ou encore Bordeaux, ont décidé de ne pas organiser de fan zones, qui sont habituellement des traditions lors de gros évènements comme celui-là. Les supporter·ices ne peuvent donc pas se rassembler de cette façon, même si les bars diffuseront bien les matchs, comme lors des années précédentes. Ce refus de mettre en place des fans zones est donc surtout symbolique, puisque cela n’empêchera pas les supporter·ices de regarder ensemble les matchs.

Le boycott est donc possible, mais il y a une différence entre le dire et le faire. Si avant le début du mondial, beaucoup de personne se disaient prêtes à le boycotter, on se rend compte que l’excitation autour des matchs se fait bien sentir, surtout lorsque la France joue. Ainsi, nous pouvons nous demander si les premières personnes ayant affiché leur mécontentement face à ce mondial, le seront toujours au fur et à mesure des victoires françaises, et surtout si la France arrive en finale.

En y réfléchissant, le boycott le plus efficace aurait été que les joueurs eux-mêmes refusent de participer à cette coupe du monde, ce qui aurait engendré la suspension de la compétition. Or, cela semble compliqué, car participer aux mondiaux de football fait partie du métier des joueurs. De plus, chaque victoire lors de ces manifestations, renforce la cohésion de l’équipe gagnante, ainsi que celle de la nation qu’ils représentent. L’acte du boycott ne semble donc n’être qu’un désir. Il n’y a pas vraiment d’espoir, sauf si une personne tient ses engagements, car c’est véritablement la seule solution pour montrer son désaccord sur le maintien de cet évènement.

Les autres compétitions qui font polémique

Si le mondial 2022 fait polémique, pour différentes raisons, ce n’est pourtant pas la seule compétition dont on parle pour en dire du mal. Nous pouvons citer deux évènements sportifs qui ont été mal vus récemment : un qui est déjà passé, et un autre qui est à venir.

La compétition qui a fait polémique dans le passé, est celle des Jeux Olympiques d’hiver en Chine, début 2022. Cet évènement fut très mal perçu, car il se déroulait dans un environnement industriel, où la neige était 100 % artificielle. En plus du problème environnemental, on sait que certains droits humains dans ce pays ne sont pas respectés, à l’instar de ceux des Ouïghour·es.

La compétition qui fait déjà polémique, alors qu’elle a été annoncée le 4 octobre 2022, soit il y a moins de deux mois, s’avère être les Jeux Olympiques d’hiver de 2029, en Arabie Saoudite. Dans ce cas, le problème principal est l’organisation d’une compétition de sport d’hiver dans un pays où il n’y a pas de neige ! En plus de cette contrainte géographique, souvenons-nous que les droits humains en Arabie Saoudite ne sont pas meilleurs que ceux au Qatar…

La coupe du monde au Qatar n’est donc pas la dernière compétition sportive à poser autant de problèmes. On peut ainsi terminer par une question fondamentale, qui mériterait d’être soulevée : qui sont vraiment les personnes ayant le dernier mot quant à l’organisation de ces compétitions scandaleuses ?

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