Billie Holliday, une affaire d’État

Par Anna Blay
Publié le 7 septembre 2021

Ce biopic signé Lee Daniels et sorti en salles le 2 juin 2021 retrace une partie du parcours de l’immense artiste du jazz Billie Holliday. Dans le contexte de la ségrégation aux États-Unis, le film soulève un enjeu important : jusqu’où peut aller un gouvernement pour silencier des propos qui dérangent ?

C’est l’histoire d’une jeune femme noire, Billie Holliday, à la voix et à la prestance exceptionnelle dans une Amérique marquée par le racisme, les lynchages d’Afro-Américain·es et les crimes perpétrés par le Ku Klux Klan. Le film commence dans les années 1940, Billie Holliday vient d’interpréter pour la première fois Strange Fruit, dénonciation des lynchages et meurtres d’Afro-Américain·es. Mais cette chanson ne plaît pas à tout le monde, et certainement pas au gouvernement américain. Comment faire alors pour l’empêcher de la chanter ? Chanter n’est pas un crime, comme le remarque l’un des agents fédéraux au début du film. Mais voilà, Billie Holliday est une consommatrice assidue de drogues et cela est passible de prison. Harry J. Anslinger, chef du Bureau fédéral des Narcotiques est ainsi chargé de réduire Billie Holliday au silence et pour cela, il fait appel à un des premiers agents fédéraux noirs : Jimmy Fletcher. Commence alors une lutte acharnée contre la chanteuse, où se mêlent drogues, haine, courage, un peu d’amour et beaucoup de malheurs. Le film nous entraîne dans la spirale autodestructrice de Billie Holliday à laquelle s’ajoute une haine féroce de Harry J. Anslinger.

Si le film reste assez flou sur les premières années de Billie Holliday, on comprend, grâce à un flashback, qu’elle n’a pas vécu un conte de fée mais plutôt l’extrême inverse, avec une enfance marquée par la violence et la prostitution. Malgré des partenaires pour qui le respect n’est pas la première vertu et qui la fournissent en drogues, Billie Holliday a su s’imposer comme une icône du jazz. On peut regretter néanmoins que le film se focalise essentiellement sur la drogue : autant sur la consommation de la chanteuse et de son entourage que comme moyen pour Harry J. Anslinger de la faire tomber. N’es rapporté aucun élément sur son ascension ou encore sur la réception de la chanson Strange Fruit par le public puisque le film débute à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, quand Billie connaît déjà un franc succès et se termine par la mort prématurée de la chanteuse.   

Billie Holliday, une affaire d’État permet de découvrir ou redécouvrir le répertoire de la chanteuse et notamment Strange fruit, point d’ancrage du film, chanson qui déclencha le mécontentement du gouvernement américain de l’époque, lequel n’hésitera pas à faire de la lutte contre les narcotiques une arme contre Billie Holliday. Que l’on apprécie ou pas la réalisation, la mise en scène, les éléments biographiques choisis et la manière dont cela est raconté, on ne peut qu’admirer la prestation de l’actrice Andra Dray, nominée aux Oscars et récompensée par le Golden Globe de la meilleure actrice.

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