La France, un pays de sport ?
Par Marion-Eva Zatchi-Bi
Illustration ©Jeanne Tiessé
Publié le 19 février 2024
À l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, le sport est au centre de toutes les attentions. Lors de sa récente visite à l’INSEP, le président Emmanuel Macron s’est dit « au rendez-vous ». Pourtant, de récentes polémiques ainsi qu’un manque de moyens investis dans les différents domaines sportifs, impactent la pratique du sport en France.
Le 11 novembre dernier, le nageur olympique et porte drapeau Florent Manaudou déclare que la France « n’est pas un pays de sport ». Il fait alors échos à tous les enjeux et problématiques liées à la pratique du sport au niveau amateur comme professionnel.
La culture du sport en France
Déjà en 2012, un article du Monde questionnait la culture du sport en France. D’après celui-ci, le domaine du sport français essaierait de « s’adapter aux exigences du très au niveau tout en respectant ses propos convictions ». L’aspect « loisir » du sport serait privilégié par rapport aux résultats. L’athlète français Stéphane Diagana disait par ailleurs que « La notion de compétition n’est pas appréhendée comme quelque chose de positif ». Si cela reste un point de vue subjectif sur un aspect du sport, il n’en reste pas moins que la pratique du sport en France diffère des autres pays occidentaux. Cette différence est perceptible dès l’école primaire.
La majorité des élèves ont seulement entre 2 et 4 heures de sport par semaine. Face à cette situation, le gouvernement a voulu réformer la pratique du sport à l’école en rajoutant, en 2024, deux heures de sport supplémentaire par semaine et en rendant l’activité physique quasi-quotidienne pour les élèves. Cela s’effectue grâce au dispositif « Plus de sport à l’école », en collaboration avec le Comité d’organisation Paris 2024 et l’Agence Nationale du sport afin de rendre fréquente la pratique du sport à l’école. Actuellement, les écoles françaises sont censées expérimenter « 30 minutes d’activité physique quotidienne ». Or, la ministre des Sports et des Jeux Olympiques, Amélie Oudéa-Castéra a déclaré en septembre dernier que 10 à 15% des établissements scolaires n’appliquaient pas cette mesure. Et en effet, selon le syndicat salarié de l’Education nationale (SNALC), la mesure n’est pas respectée car « Il s’agit d’une mesure d’affichage, et non pas une réalité. ». On peut alors supposer que les infrastructures, le manque de personnel ou encore le volume horaire des classes peuvent être mis en cause. L’autre moyen qu’ont les jeunes à leur disposition pour pratiquer une activité physique et sportive, c’est de s’inscrire dans des associations sportives, non affiliées aux établissements scolaires. Cela représente un coût supplémentaire que certaines familles ne peuvent assumer. C’est dans ces cas-là que la pratique sportive à l’école devient essentielle.
L’État, conscient du manque d’activité sportive des jeunes populations ainsi que du coup que cela représente pour les parents, a créé un dispositif pour pallier ce problème : le « Pass’sport ». Cette allocation de rentrée sportive, créée pour soutenir le sport professionnel et amateur face à la crise de l’épidémie de COVID-19, s’élève à 50 euros. Cela permet de « financer tout ou une partie de l’inscription dans une association sportive ».
Cette aide n’est pas anodine, il convient de souligner que ce sont les associations sportives intégrées dans des fédérations qui font vivre le sport en France. Une fédération sportive rassemble plusieurs clubs de sport professionnels et amateurs. La France en comptait 119 en 2023. Ce sont elles qui organisent les compétitions nationales ou internationales. Elles défendent les valeurs du sport et aident financièrement les sportifs. La question qui se pose en ce début d’année 2024 est la suivante : À quel point les fédérations, et l’État qui les subventionne, soutiennent-ils les sportifs, en particulier ceux de haut niveau ?
Sportif de haut niveau, un parcours difficile
En 2015, près de 40% des sportifs de haut niveau, dont les « professionnels », vivaient sous le seuil de pauvreté. Face à cette précarité financière, une quarantaine d’athlètes ont alerté l’Etat sur cette situation.
La même année, une loi à l’initiative de Thierry Braillard, secrétaire d’Etat aux Sports assure des droits aux sportifs français. Cette loi est basée sur un rapport remis par le professeur de droit, co-fondateur du Centre de Droit et d’Économie du Sport et avocat Jean-Pierre Karaquillo, le 18 février 2015. Les points essentiels de cette loi sont la possibilité pour les sportifs de poursuivre un « double projet », permettant une meilleure réinsertion après leur carrière sportive, une couverture sociale qui se base sur le statut de « sportif de haut niveau » ainsi que la création de contrats spécifiques. L’escrimeuse Astrid Guyart décrivait cette loi comme une « avancée pour éviter le drame humain » mais qu’en est-il neuf ans plus tard ? Les sportifs de hauts niveaux sont-ils mieux soutenus ?
Oui, dans la mesure où la loi a permis d’améliorer leur quotidien ainsi que leur insertion dans le monde professionnel. En 2022 par exemple, 423 athlètes ont bénéficié de l’aménagement de leur emploi dans le secteur public.
Cependant, tous ces avantages varient en fonction du sport pratiqué et surtout des performances. L’accompagnement n’est pas le même en fonction du niveau de l’athlète. D’après l’ANS (Agence du Numérique en Santé) plus les chances de victoire d’un sportif sont élevées, plus il est susceptible de bénéficier d’un accompagnement spécifique.
En effet, la protection financière et sociale du sportif de haut niveau est conditionnée par ses résultats. Steven Da Costa, double champion de karaté, a par exemple déclaré que dans ce domaine « on n’a pas de revenu fixe, on a des primes à la performance », ce qui fragilise les statuts des sportifs.
De même pour les contrats d’insertion : la championne de tir Sandrine Goberville s’est vue retirée son contrat d’insertion professionnelle et le financement pour son équipement et son équipe de professionnels. Elle a donc dû poursuivre toute seule sa reconversion.
Ce manque de soutien donne lieu à des situations difficiles pour les sportifs qui souhaitent s’entrainer. Si en 2015, l’escrimeuse Astrid Guyart déclarait « nous vivons pour le sport, mais, pour la plupart, le sport ne nous fait pas vivre » cela est toujours le cas aujourd’hui pour une grande majorité d’athlète à l’image de Gilles-Anthony Afoumba. Ce coureur de 400 mètres finance sa carrière sportive grâce à son emploi dans une grande surface, comme beaucoup. De plus, lorsque le sport est peu médiatisé, les sponsors sont peu nombreux.
Ainsi, en neuf ans, la situation s’est améliorée mais elle est loin de satisfaire tout le monde. Entre différences de prises en charge ou dysfonctionnement dans les fédérations, le monde du sport n’est pas tout lisse.
Les dérives des institutions sportives
Le récent scandale avec la ministre des Sports et de l’éducation en est un bon exemple. Une commission d’enquête parlementaire sur les fédérations sportives a mis en cause la ministre pour son rôle de directrice générale de la Fédération Française de Tennis (d’avril 2021 à mai 2022). Un élément en cause, son salaire de 35 600 euros net par mois qui a été revu à la hausse alors même que l’Inspection générale avait jugé le salaire de son prédécesseur Jean-François Vilotte anormal (23 000 euros net).
Le rapport conclut que « L’État n’a pas fait la preuve de sa capacité à contrôler efficacement un mouvement sportif qui n’a lui-même pas fait la preuve de sa capacité à s’autoréguler. » Cette dérive témoigne d’un manque de surveillance de l’État vis-à-vis de l’acteur principal du sport en France. Ces dysfonctionnements impactent les sportifs et leur accompagnement.
Les JO de Paris, un renouveau pour le sport français ?
Le mardi 23 janvier, le président de la République, Emmanuel Macron, a rendu visite aux sportifs de l’INSEP. « 2024 sera un millésime sportif, organisationnel, un moment de fête » a-t-il alors déclaré. En effet, les JO sont un évènement essentiel pour le pays qui cherche à promouvoir le sport, les différents sports proposés par les fédérations du pays, ainsi que le territoire. Plusieurs évènements sont organisés, notamment à Paris, pour encourager la « Grande Cause Nationale », dédiée à la promotion de l’activité physique et sportive. La RATP a organisé du 16 au 19 janvier 2024 des sessions de sports dans la station Bibliothèque François Mitterrand (ligne 14).
Ces nouvelles mesures en vues des JO vont-elles transformer la pratique du sport en France et entrainer la création d’un meilleur encadrement des sportifs et de leurs institutions ? Seul le temps nous le dira.
Sources :
Morgane IRSUTI, « Plus de sport, accompagnement éducatif… les mesures de rentrée sont-elles vraiment respectées ? », 12/09/2023, Radio France
Mathilde DAMGÉ et Noé AMSALLEM, « Paris 2024 : les sportifs de haut niveau vivent-ils de leur sport ? », 13/08/2023
Thomas HÉTEAU, « La France est-elle un pays de sport de très haut niveau ? », 11/09/2012
Jean-Jacques LOZACH, Alain FOUCHÉ « Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur le fonctionnement et l’organisation des fédérations sportives », Vie publique, 8/09/2020
Emmanuel BAYLE, « La gouvernance du sport en France : ses atouts et se défis », Vie publique, 2/11/2023
Site du gouvernement, « Un statut juridique pour les sportifs de haut niveau et professionnels », 10/06/2021
Laurent MAUDUIT, « Fédérations sportives : le rapport parlementaire étrille Amélie Oudéa-Castéra », 22/01/2024