Palais Galliera, un voyage avec Frida Kahlo
Par Suzanne Brière
Photo DR
Publié le 10 février 2023
Connaissez-vous Frida Kahlo au-delà de ses œuvres colorées ? La connaissez-vous au-delà de son accident devenu comme une légende, un cliché entourant l’artiste mexicaine ? Probablement pas. De fait, cette vision presque fantasmée de l’artiste efface complètement tout un pan de sa vie et de sa personnalité.
Le Palais Galliera (musée de la mode de la ville de Paris) propose de découvrir l’artiste mexicaine autrement, et ce jusqu’au 5 mars 2023, avec l’exposition “Frida Kahlo, Au-delà des apparences”. Les commissaires d’exposition invitent à comprendre comment elle s’est construite et a revendiqué toute une identité, notamment au travers de ses vêtements et accessoires.
Un voyage aux côtés de l’artiste
L’exposition s’ouvre sur une vidéo de Frida Kahlo dans son jardin de la Casa Azul, maison de son enfance qu’elle a également habitée avec son mari, le peintre muraliste Diego Rivera. De cette vidéo introductive découle un parcours au côté de l’artiste partant de son enfance. Cette frise chronologique grandeur nature est renforcée par le lieu d’exposition, une galerie étroite, tout en longueur, qui nous guide et nous fait avancer dans le temps au côté de Frida Kahlo. Entre photographies, vidéos, lettres, croquis ou bien encore poèmes, la multitude d’œuvres de différentes origines et divers médiums nous permet d’entrer dans l’intimité de l’artiste et d’apprendre à la connaître au-delà de ces célèbres autoportraits.
Cette chronologie ne se contente pas de nous permettre de voyager aux côtés de l’artiste, mais elle ouvre aussi un questionnement sur différentes thématiques importantes pour Frida Kahlo. Des photos d’elle en costume d’homme permettent par exemple d’aborder sa relation au genre, sa manière de concevoir sa féminité. Des lettres où elle se montre particulièrement acerbe, mais également pleine d’humour illustrent à merveille sa relation parfois conflictuelle avec des artistes français et notamment le groupe surréaliste d’André Breton, auquel elle refuse catégoriquement d’être associée. Photographiée avec Trotski et la femme de ce dernier, qu’elle a hébergé pendant deux ans à Mexico, Frida Kahlo montre la sympathie qu’elle porte au mouvement communiste alors en plein expansion.
Plusieurs thématiques politiques, artistiques et parfois personnelles sont donc abordées dans cette exposition et s’appuient sur de nombreuses œuvres et objets qui semblent presque redonner vie à la personnalité haute-en-couleur de Frida Kahlo. Après cette première partie qui nous permet de revenir sur la biographie de l’artiste, au-delà des clichés que l’on connaît d’elle, nous pouvons enfin entamer notre face-à-face avec Frida Kahlo.
Un face-à-face avec Frida Kahlo
En 1954, alors que Frida Kahlo vient de s’éteindre dans sa maison de toujours, la Casa Azul, son mari décide de mettre sous scellés un grand nombre de ses effets personnels. Redécouverts en 2004, un peu plus de 200 de ces objets sont aujourd’hui exposés au palais Galliera, dans le cadre de l’exposition “Frida Kahlo, au-delà des apparences”.
Une première partie de ce face-à-face évoque sa relation au handicap dont elle souffre déjà enfant à cause de la poliomyélite puis, suite à son accident d’autobus qui aggrave sa situation. Elle souffrira jusqu’à la fin de sa vie et devra être amputée d’une de ses jambes. Chaussures adaptées, corsets personnalisés, prothèses ou bien encore boîtes de médicaments reflètent sa manière de se représenter, de s’exprimer malgré son handicap. Un corset qu’elle a personnalisé avec un insigne communiste et un fœtus est notamment exposé. Elle associe alors deux éléments qui lui sont chers, le communisme et la maternité dont elle est privée suite à son accident, un thème récurrent qu’elle met en peinture. Nous pouvons par exemple penser à sa célèbre œuvre Henry Ford Hospital.
Une seconde partie se consacre à l’exposition de ses bijoux et accessoires qu’elle collectionnait, mais surtout une vingtaine de robes et tenues, que la peintre portait de son vivant. Cela permet d’aborder la question de la “mexicanidad”, la manière dont Frida Kahlo revendique ses origines “indigènes” dont elle a hérité du côté de sa mère, Matilde Calderón y González. Cette dernière lui a transmis une culture que Frida Kahlo revendique de manière assumée après son accident en 1925, notamment en portant des tenues traditionnelles de Tehuana qu’elle “européanise” et modernise parfois. Les Tehuanas sont les femmes de la région de Tehuantepec au Mexique connues pour leurs grandes jupes colorées, souvent dotées d’un volant, que l’artiste porte dans ses tableaux, comme dans sa vie. Elle adopte ce type de vêtements et en fait presque une “marque de fabrique”. Un parallèle est d’ailleurs fait avec de nombreux portraits photographiques de l’artiste, notamment ceux du photographe Nickolas Muray comme Frida on white Bench, où elle porte des robes que nous retrouvons derrière les vitrines.
Enfin, quelques œuvres sont tout de même présentées, à l’instar de The Frame, la première œuvre mexicaine achetée par la France et qui fait aujourd’hui partie des collections du Centre Pompidou.
L’exposition se clôture sur une robe créée par Jean-Paul Gaultier dans sa collection printemps-été 1998 “Hommage à Frida Kahlo”. Le corset de la robe évoque ceux de Frida Kahlo présentés dans cette exposition. Cet épilogue illustre l’influence de Frida Kahlo au-delà de son œuvre picturale. Elle est aujourd’hui perçue par beaucoup comme une icône de la mode qui a repris les codes vestimentaires des Tehuanas en se les appropriant pour montrer une face d’elle-même, sa “mexicanidad”. Bien plus que briser les clichés, cette exposition permet d’apprendre à connaître l’artiste mexicaine, au-delà de ses œuvres mondialement connues et de découvrir une femme forte, pleine d’humour, mais aussi de démons, qu’elle a su braver, comme l’illustrent les nombreux corsets et prothèses qu’elle a personnalisés, malgré la douleur.
Bravo Suzanne. Tu as du talent. Je n’aime pas spécialement l’oeuvre artistique de Frida Kahlo mais le personnage me fascine depuis longtemps. Tu m’as donné l’envie d’aller voir cette exposition.