L’accord de la dernière chance
Par Louise Deshautels
Publié le 28 octobre 2021
« Last best chance ». La dernière chance. C’est ainsi que Alok Sharma, président désigné de la COP26, a défini la conférence des parties sur le climat qui se tiendra à Glasgow en Écosse. Reportée l’année dernière en raison de la crise sanitaire du coronavirus, la vingt-sixième conférence des Nations Unies sur le climat se déroulera finalement cette année du 31 octobre au 12 novembre au Royaume-Uni, et doit réunir 25 000 participant·es venu·es de 196 États.
Alors que les sociétés sont actuellement en train de faire face à l’un des plus grands défis de la planète qu’est le réchauffement climatique, cette conférence devrait permettre de réunir les États autour d’une grande discussion afin d’en dégager des réglementations permettant de lutter contre ce phénomène en limitant les émissions de gaz à effet de serre ; et d’aider les sociétés les plus fragiles et les plus touchées par ce changement climatique aux conséquences désastreuses pour l’environnement, les sociétés et même par extension pour l’économie.
La COP25 qui s’est déroulée en 2019 à Madrid est un exemple plus que parlant pour démontrer l’inefficacité internationale
Pourtant, à l’aube de cette conférence, les désillusions se font de plus en plus nombreuses et l’espoir d’un réel changement qui permettrait d’agir disparaît peu à peu au sein des populations et des associations engagées dans le secteur de l’écologie. La COP26 se soldera-t-elle vraiment d’avancées pour le climat ?
Des discussions internationales efficaces ?
Face au réchauffement climatique, la coopération internationale apparaît comme la meilleure des options pour justement trouver une solution à ce problème d’envergure mondiale. Pourtant, comme dans tout groupe, les intérêts divergent selon tel ou tel État, et les dix jours de discussions s’avèrent parfois inefficaces et sont soumis à un fort blocage du fait de la multitude des acteur·ices impliqué·es dans la négociation.
Ainsi, la dernière conférence des parties, la COP25, qui s’est déroulée en 2019 à Madrid en Espagne est un exemple plus que parlant pour démontrer cette inefficacité internationale. Celle-ci s’est terminée le 15 décembre 2019 après quarante-deux heures de retard sur ce qui été prévu initialement. À cet égard, l’adoption finale des décisions s’est faite dans la précipitation et la lassitude. Les États ont fini par adopter des décisions à peines lues qu’ils avaient acceptées pour en finir avec cet évènement, plutôt que par réelle conviction que cela pourrait changer les choses.
De plus, aucune grande résolution n’a été prise et les grands émetteurs tels que la Chine, l’Inde, le Japon, le Brésil, l’Australie et les États-Unis n’ont donné aucun signe permettant d’affirmer que leurs efforts en matière de développement durable seront tenus.
Pour ce qui est de la France, qui semblait pourtant fortement impliquée dans les négociations suite à la réussite de la conférence précédente dans la capitale française, l’absence des personnalités politiques tout au long de la COP25 n’a pas été bien perçue par l’opinion publique. Le président Emmanuel Macron n’a pris la peine de ne faire aucun déplacement jusqu’à Madrid. Les ministres français·es étaient absent·es lors de la phase finale des négociations. Le Premier ministre en 2019, Édouard Philippe, n’a passé qu’une demi-journée à l’ouverture de la conférence, et enfin la ministre de la transition écologique et solidaire Élisabeth Borne y a passé un total de seulement vingt-quatre heures lors de la deuxième semaine des négociations.
Une réussite de la COP21 à nuancer
Les négociations entre les parties se sont pourtant révélées fructueuses lors de la COP21 qui s’était déroulée en 2015 à Paris. Les pays étaient sortis satisfaits des discussions et avaient tous signé l’accord de Paris qui résultait des dix jours de réunions. Cet accord prévoyait de limiter à 1,5°C l’augmentation de la température moyenne mondiale, afin de ne pas dépasser les 2°C qui seraient dévastateurs pour la planète et la vie sur Terre. De plus, une aide pour les pays pauvres dans l’adaptation aux changements climatiques avec un programme d’octroi de financements de la part des pays plus développés avait été décidé. Enfin, l’accord devait procéder d’un examen de la contribution des pays à la réduction des émissions de gaz à effet de serre tous les cinq ans.
Sur ce dernier point pourtant les critiques commencent à peser sur la COP21. Qu’en est-il des engagements pris par les pays en 2015 ?
459 millions de tonnes de CO2 ont été rejetés en France en 2016 et 466 millions en 2017, soit une hausse de 1,7 % entre les deux années
On sait tout d’abord que les États-Unis, l’un des plus gros émetteurs au monde, se sont retirés en 2017 de l’accord que le président Donald Trump trouvait trop contraignant, avant de se réintégrer en 2020 suite à l’élection de Joe Biden. Ce retrait a bien entendu mis à mal la contribution des États-Unis quant à leur émission de CO2.
La France s’était engagée à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 mais dans les années qui ont suivi l’accord, les émissions ont été à la hausse. Ainsi, 459 millions de tonnes de CO2 ont été rejetés en 2016 et 466 en 2017 soit une hausse de 1,7 % entre les deux années.
On voit aujourd’hui que les engagements pris par les pays signataires ne permettraient pas de tenir les promesses de l’Accord de Paris. En 2019, les engagements des différents pays ne permettaient de limiter la hausse des températures qu’à 3,2°C d’ici la fin du XXIe siècle. Bien plus que ce qui était prévu dans l’accord.
Ainsi, ici encore, les négociations, même quand elles se soldent d’une réussite ne sont pas suivie d’un réel progrès concernant le climat et l’action des pays.
Une présence des pays en développement mise en danger
La COP26 de cette année, quant à elle, ne semble pas s’annoncer sous de bons auspices.
À quelques jours de l’ouverture des négociations, les ONG sont de plus en plus nombreuses à critiquer la COP26. Le Climate Action Network International, organisation qui regroupe plus de mille cinq cents organisations non gouvernementales sur le climat de cent trente pays, a demandé début septembre le report de la COP26 en invoquant le manque de sécurité, d’inclusivité et de justice de cette dernière. En effet, les pays en développement qui sont censés prendre part à la discussion rencontrent de nombreuses difficultés.
Tout d’abord, des difficultés économiques. La COP26 s’annonce être la conférence des parties la plus chère. Le prix des logements est très élevé dans la ville de Glasgow et l’arrivée de la COP26 n’a fait que renforcer cela. Dans un article publié le 11 octobre, Le Monde établissait qu’il faudrait dépenser mille euros par jour pour être hébergé à Glasgow durant la période des négociations. À cet égard, cela représente un problème économique qui décourage fortement les pays en développement en manque de financement. D’autant plus que ces mêmes pays font face à des difficultés sanitaires liées au coronavirus.
La conférence se déroule dans un contexte de pandémie sanitaire et demande donc des réglementations fortes concernant les règles sanitaires. Ainsi, le Royaume-Uni, pour limiter la propagation du virus, a mis en place une « liste rouge » recensant les pays aux plus grands risques sanitaires. Dans cette liste se trouvent cinquante-quatre territoires dont les ressortissant·es devront être mis·es en isolement pendant dix jours lors de leur arrivée dans le pays si iels ne sont pas vacciné·es, et pendant cinq jours si iels le sont. On remarque que ces pays « rouges » sont souvent les pays les moins développés qui n’ont pas les moyens techniques de mettre en place une politique vaccinale efficace, et qui souffrent d’une grande propagation du virus. En outre, ce 11 octobre, Tanguy Gahouma-Bekale, président du groupe des négociateurs du continent africain déclarait : « À ce jour, la moitié au moins des délégué·es africain·es n’ont pas la certitude de pouvoir se rendre en Écosse ». Alors que le taux de vaccination des pays riches s’élève à 50 %, l’Afrique n’est qu’à 3,3 %.
Face aux revendications des ONG, le Royaume-Uni a annoncé qu’il prendrait en charge les frais d’hébergement des personnes en quarantaine, que des tests et des vaccins seraient mis à disposition et que la liste rouge serait réduite à sept pays.
Pas une priorité pour les grands émetteurs
Enfin, si les pays en développement rencontrent des difficultés d’accès, certains pays développés, soit les plus grands émetteurs, ne semblent pas voir la COP26 comme une priorité.
Bien sûr, la COP26 est renforcée cette année, du fait de l’élection de Joe Biden qui a remplacé Donald Trump et qui a donc réintégré les États-Unis dans les négociations sur le climat ; mais d’autres puissances se détournent de la discussion.
C’est notamment le cas du ministre australien qui a annoncé ne pas avoir prévu de venir en Écosse pour assister aux négociations et préfère envoyer des délégué·es. Le climat ne constitue pas actuellement sa priorité et le Premier ministre préfère concentrer ses efforts sur des problématiques plus nationales comme la réouverture des frontières et la reprise économique de son pays suite à la crise du coronavirus. Tout comme Xi Jinping, président chinois, qui a fait savoir le 15 octobre par l’intermédiaire de diplomates qu’il ne viendrait pas à la COP26 ; ce alors que son pays est toujours le premier pollueur mondial, responsable de 27 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète.
Sources
BBC News – Climate change : Green groups call for COP26 postponement https://www.bbc.com/news/science-environment-58472566
BBC News – COP26 : Australia PM undecided on attending crucial climate summit https://www.bbc.com/news/world-australia-58703128
Le Monde – La COP25 s’achève sur des avancées quasi insignifiantes dans la lutte contre le changement climatique https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/12/15/climat-la-cop25-s-acheve-par-un-accord-depourvu-d-avancees-globales-significatives_6022942_3244.html
Le Monde – COP26 : les délégations africaines à la peine pour se rendre à Glasgow https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/10/11/cop26-les-delegations-africaines-a-la-peine-pour-se-rendre-a-glasgow_6097940_3212.html
NPR – U.N. Climate Conference President on « Last Best Chance » to combat global warming https://www.npr.org/2021/09/23/1040227856/u-n-climate-conference-president-on-last-best-chance-to-combat-global-warming?t=1634390039191