Du soleil au musée Marmottan Monet
Par Suzanne Brière
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Publié le 8 novembre 2022
Il y a 150 ans, Monet peignait sa célèbre œuvre, Impression soleil levant. Aujourd’hui, le musée Marmottan Monet lui rend hommage au travers de l’exposition, “Face au soleil, un astre dans les arts”. Une centaine d’œuvres de l’antiquité à nos jours sont exposées et mettent en avant la manière dont les artistes se sont bien souvent inspiré·es du soleil et des croyances entourant cet astre.
Remontons le temps… Râ, Apollon, Hélios, tant de noms pour ne désigner en réalité qu’une seule divinité, le soleil. Durant l’Antiquité, cet astre est central et apparaît comme un véritable dieu omniprésent dans les arts. L’exposition s’ouvre ainsi sur une petite sélection d’œuvres antiques : égyptiennes et romaines.
Rapidement, le soleil passe de divinité à simple création de la main de Dieu. L’apparition des religions du Livre fait évoluer la place du soleil dans les consciences communes, ainsi que sa place dans le monde artistique. Nombreuses sont alors les représentations de l’astre entre les mains de Dieu. Le soleil n’a plus le monopole et doit désormais partager son temps avec la lune. Les vitrines de l’exposition regorgent de manuscrits et autres œuvres aux couleurs dorées, dont un magnifique jeu de Tarot orné de représentations du soleil. Cependant, les avancées et découvertes scientifiques font évoluer cette vision de l’astre.
Le rôle de la science
Nous sommes désormais au XVIe siècle, une des plus grandes découvertes scientifiques s’apprête à bouleverser la perception de l’univers. Copernic réfute la théorie du géocentrisme et affirme que le soleil est au centre de l’univers : c’est l’héliocentrisme. Le monde artistique n’est pas épargné par cette découverte. Le genre du paysage prend notamment une importance considérable. Lorrain, Vernet, Rubens et beaucoup d’autres vont alors appliquer une dimension météorologique à leurs œuvres. Le soleil devient un véritable outil de mise en valeur des paysages.
La célèbre Impression soleil levant de Monet est à l’apogée de ce genre du paysage, dans lequel le soleil a su se faire une place. Cette toile marque également une transition vers un rapport à la peinture plus spontané. En effet à la fin du XXe siècle, l’apparition du tube de peinture, ainsi que le développement des chemins de fer, permettent aux artistes de peindre in situ, sur le motif, en voyageant.
Les peintres néo-classiques à l’instar de Sisley ou bien encore Derain profitent de cet héritage du paysage, mais s’amusent à jouer avec notre regard. Les récentes découvertes sur l’optique et les couleurs (notamment expérimentées par le peintre anglais William Turner) sont reprises par l’artiste Georges Seurat qui, en peignant par touche de couleur, invite l’œil à reformer le motif. Le musée Marmottan Monet expose ici une importante sélection d’œuvres néo-classiques particulièrement représentatives de cette nouvelle représentation du soleil, parmi lesquelles, Le Pont au soleil couchant de Paul Signac, ou bien encore Big Ben d’André Derain.
Le soleil comme sujet principal
À la fin de XXe siècle, le soleil devient un sujet à part entière ; il n’est plus un simple ornement ancré dans des paysages plus larges. Allant jusqu’à couvrir toute la surface de la toile, les représentations du soleil sont désormais plus originales et propres à l’interprétation et au style de chaque artiste. L’astre est désormais “le Dieu de la peinture moderne” selon le peintre Maurice Denis. Edward Munch dans son œuvre Le soleil, joue par exemple, sur le rayonnement de l’astre en le plaçant au centre de la toile monumentale, laissant les rayons colorés occuper une majeure partie de l’œuvre. D’autres artistes comme Sonia Delaunay ou bien encore Otto Freundlich associent le soleil au mouvement de l’abstraction au travers de leurs œuvres.
L’exposition se clôture sur la monumentale Impression soleil levant 2019, réalisée par l’artiste Gérard Fromanger, en hommage à l’œuvre de Monet. La boucle est bouclée avec cette toile hypnotique aux cercles colorés.
Un tour d’horizon de la peinture
“Face au soleil, un astre dans les arts” propose une collection d’œuvres très éclectique, allant de l’antiquité à nos jours. Elle est articulée autour d’une double dimension très intéressante. En effet, l’exposition crée un double parcours, à la fois artistique, mais également scientifique. Ainsi, chaque œuvre peut être mise en lien avec les avancées scientifiques de son époque. Par exemple, les néo-impressionnistes commencent à utiliser la décomposition de la couleur au moment où la spectroscopie révèle l’intensité lumineuse du soleil. L’exposition met alors en avant l’importance de la science dans le monde artistique et démontre la manière dont les artistes, depuis l’antiquité, s’inspirent et intègrent les croyances et découvertes liées au soleil, au sein de leurs créations.
Le panorama très large d’œuvres, d’artistes, de supports, et de mouvements rend cette exposition très diversifiée et intéressante laissant à chacun·e la possibilité de trouver son compte parmi les nombreuses œuvres exposées. Un bel hommage rendu au soleil qui s’est levé sur la toile de Monet il y a cent cinquante ans.