Sarah Bernhardt, première figure médiatique
Par Suzanne Brière
Photo DR
Publié le 11 mars 2023
«Et la femme créa la star», la nouvelle exposition visible au Petit Palais, du 14 avril 2023 au 27 août 2023, permet de (re)découvrir la grande Sarah Bernardt. Principalement connue pour ses talents de comédienne, sa pluridisciplinarité est illustrée par plus de 400 œuvres exposées.
Surnommée La Divine ou bien encore la Voix d’or, Sarah Bernhardt est l’actrice phare de la Belle Époque à Paris. Très vite, elle prend conscience de l’importance de son image auprès du public et manie avec soin différents médias comme la photo, les affiches et même la publicité. L’historienne et spécialiste de Sarah Bernhardt, Claudette Joannis, va même jusqu’à parler de la première “influenceuse” de l’histoire.
L’émergence de la photo
En 1864, Sarah Bernhardt est encore inconnue du grand public lorsqu’elle se fait photographier par le célèbre Félix Nadar. Avec une pose très simple, les épaules dénudées, les mains posées sur une colonne antique et une lumière frappante. Ces photos font le buzz. Elle se fera ensuite photographier par Paul Nadar, le fils de Félix Nadar, pour promouvoir ses différents rôles. Les mises en scènes, costumes et décors sont alors beaucoup plus exubérants et travaillés. Imprimées au format de carte de visite, ces photographies circulent et le visage de Sarah Bernhardt avec. Elle n’hésite pas à montrer tout un pan de sa vie personnelle, en se faisant photographier en famille, ou bien lors de ses vacances à Belle-Ile.
Une collaboration artistique
L’actrice ne se limite pourtant pas à ce seul média. En effet, pendant la Belle Époque, les affiches sont un outil de publicité nécessaire et en plein essor, notamment pour le théâtre. Or, en 1887, l’artiste et affichiste tchèque Alphonse Mucha débarque à Paris. Un malentendu le mène à réaliser une première affiche pour la pièce Gismonda de Sarah Bernhardt. Séduite par le travail de l’artiste, elle décide de lancer une collaboration avec ce dernier. Mucha se fait alors un nom dans le milieu artistique parisien en se caractérisant par son style art nouveau et ses multiples influences. Toujours sur un même modèle allongé en hauteur, le style des affiches est adapté en fonction de l’univers de la pièce. La typographie s’inspire de l’univers grec pour Médée, le décor devient byzantin pour Gismonda et les couleurs s’assombrissent pour la pièce Tragique histoire d’Hamlet, prince de Danemark, dans laquelle Bernhardt joue le rôle d’Hamlet. Les traits simples utilisés par l’artiste permettent de reconnaître au premier coup d’œil le visage d’une des premières stars du théâtre.
Une image travaillée
Au-delà de cette promotion artistique, Sarah Bernhardt contrôle son image et la travaille. Elle voyage par exemple à l’étranger pour jouer ses pièces et est ainsi connue dans le monde entier. Elle est toujours à la pointe de la mode en s’offrant de nombreux vêtements et chaussures extravagantes. Elle pousse cette originalité très loin en vivant en compagnie d’animaux sauvages, dont un alligator, un lion et un puma. Son objectif : faire parler d’elle en choquant, ou du moins en interpellant. Elle ira même jusqu’à lancer des rumeurs sur elle-même. Sarah Bernhardt devient également égérie de plusieurs marques et son visage apparaît sur les publicités pour les fer à friser, les cigarettes, les parfums… Elle est l’une des premières à vendre son image, réussissant même à en gagner sa vie. Claudette Joannis parle de Sarah Bernhardt comme une chef de sa propre entreprise. Elle contrôle son image et son physique au point d’expérimenter, à l’âge de 66 ans, les débuts de la chirurgie esthétique aux Etats-Unis.
Sarah Bernhardt et ses idées novatrices ne plaisent cependant pas toujours. Elle essuiera son lot de critiques, de surnoms et aura quelques caricatures à son effigie dans les journaux.
Une artiste au-delà de la figure médiatique
Sarah Bernhardt était aussi peintre et sculptrice. Ses œuvres ont notamment été exposées au salon de 1874 et 1897. Emile Zola les apprécie particulièrement. Elle se plaît surtout à représenter des sujets littéraires, comme sa sculpture Le Fou et la Mort, inspirée du Roi s’amuse de Victor Hugo. Elle se confronte aux autorités anglaises en vendant des reproductions de ses sculptures en Angleterre. Célébrissime de son vivant, et jusqu’à aujourd’hui, ce pan de sa vie est pourtant particulièrement méconnu. Pour remédier à cela, le Petit Palais propose à partir du 14 avril prochain un panorama complet de la vie de cette femme libre et surprenante en exposant notamment certaines de ses sculptures.