Femmes du monde arabe
Par Enoa Hajjar
Image : Nadine Labaki dans Caramel
Publié le 17 juillet 2021
Longtemps assimilées aux divas, mises en avant pour leur beauté, leur voix ou leurs qualités d’actrices, les femmes orientales, et plus généralement arabes, n’en ont pas moins mené des combats politiques et véhiculent encore aujourd’hui des messages engagés. Ces femmes défendent leurs idées, mènent leurs combats au travers de leur art et profitent d’une notoriété locale voire mondiale.
À l’image de nombreuses figures féminines marquantes du monde arabe telles que Gisèle Halimi, Dalida ou encore Fairuz, une nouvelle génération d’artistes féminines a vu le jour. Originaires du Liban, la chanteuse Nancy Ajram, la réalisatrice et actrice Nadine Labaki et l’illustratrice et autrice Zamia Ladié représentent leur culture par le biais de l’art.
Partageons quelques mots sur chacune de ces femmes au parcours parfois perçu comme controversé, comme a pu l’être celui de Gisèle Halimi. Par leur force, leur art et leur conviction, chacune d’entre elles a su porter son origine avec fierté, et chacune est devenue une véritable icône.
Dalida, chanteuse arabe de renommée mondiale
De son vrai nom Yolanda Gigliotti, Dalida, née au Caire en 1933, est devenue une diva au statut légendaire en raison de son destin tragique, de ses paradoxes et de ses performances vocales mêlant l’arabe, le français et l’italien. Chanteuse unique et iconique étant devenue une des artistes françaises les plus connues à travers le monde, Dalida a su conquérir tous les publics et les salles de spectacles du monde entier. À l’Institut du monde arabe à Paris, l’exposition Divas, d’Oum Kalthoum à Dalida rend hommage aux divas de l’ « âge d’or » du cinéma et de la chanson arabes et revient sur le destin passionnant et exceptionnel de Dalida.
Gisèle Halimi, l’avocate des droits des femmes
Disparue le 28 juillet 2020, Gisèle Halimi est une figure emblématique de la lutte pour les droits des femmes. Signataire du Manifeste des 343, avocate, féministe et militante, Gisèle Halimi a récemment fait l’objet d’une pétition en faveur de son entrée au Panthéon, mais son engagement durant la guerre d’Algérie pourrait compromettre sa « panthéonisation ». La question demeure en suspens : l’avocate de membres du FLN doit-elle faire son entrée au Panthéon ? Pour beaucoup d’association féministes, la réponse est oui. Militante pour la dépénalisation de l’avortement et la criminalisation du viol, Gisèle Halimi restera une des avocates féministes les plus illustres du XXe siècle.
Fairouz, chanteuse engagée au Liban
Née en 1934 au Liban sous le nom de Nouhad Haddad, Fairouz est une des plus célèbres chanteuses du monde arabe, par ailleurs sa renommée est internationale. Elle n’a jamais quitté son pays natal malgré la guerre civile, les crises qui ont frappé le Liban et plus récemment l’explosion du port. Lors de son deuxième voyage, le Président de la République Emmanuel Macron a rendu visite à la chanteuse. Perçue comme l’une des rares figures emblématiques libanaises capables de transcender les clivages religieux, Fairouz parvient grâce à ses chansons à aborder de nombreux thèmes comme son amour pour le Liban, l’exode, la pauvreté, les Palestiniens et la guerre civile. Également présente dans l’exposition Divas, d’Oum Kalthoum à Dalida, la diva libanaise n’a pas perdu de sa popularité et est toujours très écoutée dans tout le monde arabe.
Derrière Capharnaüm, de Nadine Labaki, se dresse une réalité : celle de dizaines de milliers d’enfants réfugiés au Liban qui ne connaissent pas leur date de naissance, ne sont inscrits sur aucun état civil et vivent dans la rue
Nadine Labaki, réalisatrice de la réalité libanaise
Nadine Labaki fait, quant à elle, partie d’une nouvelle génération. Née en 1974 au Liban, elle est réalisatrice, actrice et scénariste. Ses films, Caramel, Et maintenant on va où ? et Capharnaüm, dépeignent une réalité entre conflits politiques et confessionnels. Caramel raconte le poids de la tradition dans la vie des femmes, les préjugés chrétiens ou les préceptes de l’islam. Dans un salon de beauté, cinq Beyrouthines se croisent tous les jours. Issues de confessions différentes, ces femmes appartenant à plusieurs générations se confient, discutent au détour de conversations intimes et libres. Et maintenant on va où ? relate la détermination sans faille d’un groupe de femmes de toutes religions à protéger leur famille et leur village des menaces externes. Elles partagent un but commun : distraire leurs maris, leur faire oublier leur colère et leur différence ethnique. Capharnüm a quant à lui reçu le prix du jury à Cannes. Tourné à hauteur d’enfant dans un camp de réfugié·es à Beyrouth, ce film retrace le parcours de Zain, un jeune garçon âgé d’environ 12 ans qui attaque ses parents en justice pour l’avoir mis au monde. Derrière ce film se dresse une réalité bien plus troublante, celle de dizaines de milliers d’enfants réfugiés au Liban qui ne connaissent pas leur date de naissance, ne sont inscrits sur aucun état civil et vivent dans la rue. Comme le relate Nadine Labaki, « le film a commencé par le titre, par une observation de ce qui se passait autour de nous, tous les thèmes qui me travaillaient à ce moment-là ; le travail des enfants, le trafic d’humains, le problème des réfugiés dans le monde, le fait d’avoir des papiers pour prouver qu’on existe, la situation des migrants dans mon pays, l’esclavage moderne, tout ça. À un moment, je me suis dit : on vit dans un capharnaüm. »
Que va-t-il rester de ces femmes ? L’héritage qu’elles laisseront va-t-il perdurer ?
Golshifteh Farahni, actrice arabo-hollywoodiene
De nombreuses actrices du monde arabe atteignent même les portes d’Hollywood comme Golshifteh Farahani. Originaire de Téhéran, la jeune femme a été repérée par Ridley Scott pour son film Mensonge d’État en 2008 aux côtés de Léonardo DiCaprio. Elle apparaitt lors de la première du film sans voile, ce qui lui vaudra d’être arrêtée dans son pays. Par la suite, elle parvient à quitter l’Iran et se dénude sous la caméra du photographe Poalo Roversi. Condamnée à l’exil, elle est aujourd’hui une actrice reconnue en France et à l’étranger et compte de nombreux films à son actif dont les plus marquants sont Go Home, Divan et Anna Karénine. Fière de porter les couleurs de son pays, Golshifteh Farahani est une actrice engagée, féministe et révoltée.
Qu’elles viennent du Maghreb ou du Moyen-Orient, les femmes du monde arabe étonneront toujours par leur talent, leur caractère et leur beauté si particulière. Qu’elles soient actrices, réalisatrices, artistes, avocates, mères au foyer ou encore femmes célibataires, ces femmes luttent chacune à leur façon pour transmettre, au travers de leur art ou de leur pensée. Certaines d’entre elles profitent de leur notoriété pour passer leurs messages pleins d’espoir et d’engagement. D’autres se battent pour survivre et ce dans des conditions de vie bien difficiles, en Iran ou au Liban. Une question demeure toutefois en suspens : que va-t-il rester de ces femmes ? L’héritage qu’elles laisseront va-t-il perdurer ?