Les vitraux, quelle merveille !

Par Lou Trullard
Publié le 4 mars 2025
Illustration ©Claire Boyer
Depuis la réouverture de Notre-Dame de Paris, le 8 décembre 2024, les visiteur·euses ont de nouveau l’opportunité d’admirer la splendeur de la cathédrale, dont les vitraux restaurés jouent un rôle central dans cette redécouverte émouvante de l’édifice emblématique. Ce moment marquant nous invite à replonger dans l’univers fascinant des vitraux.
Quand on rentre dans une église, ce qui nous fait lever la tête, ce sont ces magnifiques assemblages de verre coloré, qui laissent pénétrer la lumière, tout en nous racontant des histoires profondes et captivantes. Redécouvrons ensemble l’histoire de cet art millénaire, sa symbolique, et comment il continue de nous émerveiller aujourd’hui, des plus anciennes cathédrales, aux réalisations contemporaines.
Il est né, le vitrail !
L’histoire du vitrail remonte à plus de 4 000 ans, à une époque où les Égyptien·nes et les peuples orientaux maîtrisaient déjà la fabrication du verre. Ce matériau précieux, au départ utilisé pour la création d’objets décoratifs et utilitaires, se transforme au fil des siècles en un art sacré. Quelques siècles plus tard, les Romain·es adoptent le verre pour leurs fenêtres, et l’utilisent pour apporter de la lumière dans leurs demeures. Cependant, c’est au début du Moyen Âge, lorsque les premières grandes églises chrétiennes commencent à voir le jour, que le vitrail prend une place prépondérante dans l’architecture religieuse. À cette époque, les murs des églises sont tellement épais qu’il est difficile de percer de grandes fenêtres, faisant de l’utilisation du verre une véritable prouesse technique.
L’époque gothique : l’ère du vitrail
L’essor du style gothique à partir du XIIIe siècle marque un tournant majeur dans l’histoire du vitrail. Grâce à des innovations architecturales telles que les arcs-boutants et les voûtes d’ogives, les murs des églises deviennent plus fins et permettent de réaliser de vastes fenêtres. Ces ouvertures permettent aux maîtres verriers de créer des vitraux d’une beauté incomparable. Ce sont les premières fenêtres permettant à la lumière de pénétrer abondamment dans les églises.
Ces vitraux ne sont pas seulement décoratifs, mais ont aussi une fonction didactique importante. Ils représentent des scènes bibliques, la vie des saint·es et des symboles chrétiens, servant de véritables “bibles visuelles” pour les populations illettrées. À une époque où la majorité des fidèles ne savait ni lire ni écrire, les vitraux servaient à enseigner les récits sacrés, et à transmettre les valeurs chrétiennes par l’image.
L’artisan, un créateur
Les maître·sses verriers sont les artisan·es de ces chefs-d’œuvre de lumière et de couleur. Dans leurs ateliers, ces artisan·es préparent chaque vitrail avec une minutie incroyable. Iels commencent par dessiner les motifs et les personnages qu’iels souhaitent représenter sur des feuilles de papier, avant de sélectionner minutieusement les morceaux de verre coloré nécessaires à la réalisation de l’œuvre. Chaque morceau de verre est ensuite découpé avec précision, et assemblé grâce à des baguettes de plomb, qui maintiennent les pièces solidement en place. Cette technique, qui remonte au Moyen Âge, n’a pas fondamentalement changé, et les artisan·es modernes continuent d’utiliser des méthodes très similaires pour créer des vitraux. Une fois le vitrail assemblé, il est installé dans la structure de l’église, où il capte la lumière naturelle et projette une atmosphère sacrée et mystique dans l’espace.
La symbolique des couleurs
Les couleurs des vitraux ont une signification très importante, surtout au Moyen Âge, où chaque teinte était choisie pour symboliser des idées religieuses et spirituelles profondes. Le rouge, par exemple, symbolise la passion du Christ et le sacrifice, mais est également associé à la colère et à l’enfer dans certains contextes. Le bleu, couleur du ciel et de la divinité, est souvent utilisé pour représenter la Sainte Vierge. Le vert, symbolisant la nature et le renouveau, était parfois utilisé pour les créatures maléfiques dans le contexte biblique, mais aussi pour représenter le paradis ou la rédemption dans d’autres scènes. Le jaune, quant à lui, était souvent associé à la tromperie et au mensonge, mais aussi à la lumière divine. Ces choix de couleurs ne sont pas uniquement esthétiques : ils renforcent les messages spirituels véhiculés par les scènes bibliques et aident les spectateur·ices à saisir les valeurs chrétiennes que chaque image porte.
Premières bandes dessinées : les vitraux comme livres d’images
Les vitraux ont aussi joué un rôle d’éducateurs visuels pour une population en grande partie illettrée au Moyen Âge. Parfois, une même histoire était représentée sur plusieurs panneaux, créant ainsi des récits visuels qui ressemblaient à des bandes dessinées médiévales. Celles-ci étaient utilisées pour enseigner des histoires bibliques, les vies des saint·es, ou encore des événements historiques majeurs comme le baptême de Clovis.

L’un des exemples les plus célèbres de cette tradition narrative est la série de vitraux, commandée par Saint Louis au XIIIe siècle, pour la Sainte-Chapelle à Paris. Ces 1 100 scènes racontent des épisodes bibliques et des événements de la vie du roi et de sa cour, offrant ainsi un catéchisme visuel pour la famille royale. Si tu visites la Sainte-Chapelle, tu pourras observer ces récits narrés sur les vitraux, où chaque scène est lue dans un ordre précis : de bas en haut, et de gauche à droite, comme un véritable livre d’images.
Des formes et des couleurs fascinantes
Les maître·sses verriers ont toujours su allier créativité et technique pour donner naissance à des vitraux d’une beauté époustouflante. Parmi les formes les plus célèbres, on trouve les rosaces, ces grandes fenêtres circulaires qui décorent de nombreuses cathédrales gothiques. Ces rosaces, souvent placées dans les façades des cathédrales, sont des véritables œuvres d’art qui attirent tous les regards.

(©Laurent Ridel, https://decoder-eglises-chateaux.fr/)
La cathédrale de Chartres, par exemple, possède trois rosaces magnifiques, chacune mesurant plus de dix mètres de diamètre. Ces fenêtres en forme de rose sont des merveilles de symétrie et de lumière, où chaque pétale semble se déployer en une explosion de couleurs. Le bleu, quant à lui, est la couleur par excellence des vitraux médiévaux. Sa profondeur et ses multiples nuances, obtenues grâce à un savant mélange d’oxydes métalliques, en font une couleur phare dans les créations des maître·sses verriers. La lumière filtrée à travers le bleu donne une sensation de sérénité et de mystère, créant une atmosphère sacrée et apaisante dans les églises.
Les vitraux ne sont pas seulement une question d’art et de technique : ils sont le fruit d’une rencontre entre la lumière et la couleur, entre l’âme et l’esprit. Chaque vitrail, qu’il soit médiéval ou contemporain, porte en lui une charge symbolique et esthétique qui dépasse les simples éléments décoratifs. Les vitraux ont une âme, et en les contemplant, on se connecte à une histoire, une culture et une spiritualité séculaires.
Immersion en Champagne-Ardenne
Si tu es passionné·e par cet art fascinant, une application gratuite permet de découvrir les vitraux remarquables de 65 édifices (civils ou religieux) du département de l’Aube, en région Champagne-Ardenne. À travers cette « Route du Vitrail », tu pourras explorer une grande diversité de vitraux, allant des plus anciens aux plus modernes. Cette promenade visuelle te permettra de voyager dans le temps et de découvrir des œuvres d’art qui témoignent de l’évolution de cette pratique. Pour télécharger l’application, il suffit de se rendre sur www.route-vitrail.fr.
Un art vivant
Les vitraux, bien qu’ancrés dans une tradition médiévale, continuent de se renouveler. Aujourd’hui, de nombreux artistes contemporain·es explorent cet art ancien pour en faire des œuvres modernes, tout en préservant les savoir-faire ancestraux. Les vitraux du XXIe siècle, créés par des maître·sses verriers modernes, utilisent des matériaux innovants et des techniques de pointe pour apporter de nouvelles dimensions à cet art. Des églises contemporaines aux musées, en passant par des lieux publics, les vitraux continuent de jouer un rôle essentiel dans la création d’espaces sacrés et contemplatifs.
Ainsi, les vitraux, qu’ils soient médiévaux ou contemporains, continuent d’émerveiller et de fasciner. Ces œuvres d’art, où lumière et couleur se rencontrent, nous rappellent l’histoire, la spiritualité et la beauté infinie du monde à travers le prisme du verre. Elles restent aujourd’hui un témoignage vivant du génie des artisan·es d’hier et une invitation à voir le monde sous un jour nouveau.